Un nouveau Beigbeder
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J’aime beaucoup Frédéric Beigbeder. Il excelle dans l’art de nous faire bourlinguer en direct live depuis notre fauteuil. Bim bam boum il nous envoie en Russie au beau milieu d’une mer de vodka et de très jeunes filles, dans les salons les plus privés des boîtes privées de la capitale, dans un appart rempli de post-adolescents au petit jour de toutes les capitales, et même en haut du World trade center – au moment où on n’aurait pas aimé y être.
Beigbeder, c’est de la drogue en code barre, un rail d’adrénaline sans bouger de chez soi.
J’aime beaucoup Beigbeder parce que c’est un garçon érudit, un savant fou. Et qu’il était évident qu’il finirait là où tout le monde l’attendait : dans la « vraie » littérature, la littérature germanopratine, plus introspective, sage, une littérature « à prix ». Ils le félicitent d’ailleurs tous. Je crois que je n’attendais pas Un roman français car je me contentais de savoir qu’avec son immense talent, il savait forcément faire ce genre de livre, contrairement à ceux qui applaudissent la prouesse de ce nouveau roman.Un roman français, donc. Ou quand Octave rencontre Fred. La vérité sur Frédéric Beigbeder ; car nous voici, pour la première fois, dans un roman autobiographique.
Un mobile de Calder
Ça commence comme un bon roman de Beigbeder. L’auteur vient de se faire arrêter par la police pour consommation de cocaïne sur le capot d’une voiture devant une boîte parisienne et il est « mis à nu » au poste. C’est le début d’une longue garde à vue qui lui donne le loisir de tenter de retrouver ses souvenirs d’enfance. Un roman français est un livre étonnant, touchant, car Fréderic Beigbeder y dévoile une part de sa mélancolie intime.
Lors de ma rencontre avec l’auteur à l’occasion de la sortie d’Au Secours, pardon, il m’avait confié ceci : « Je pense qu’écrire révèle une part inconnue de soi-même, donc dans mon cas, il y a sûrement un grand dépressif, comme un alien qui ne demande qu’à sortir et dans mes livres on l’entend appeler "au secours, pardon ! "»
Un roman français est le premier roman où Beigbeder lâche prise et oublie Octave pour laisser sortir cet « alien dépressif » et c’est de la douceur qui en découle. En même temps qu’il se retourne sur son enfance, il nous offre un beau tableau de la famille moderne : un divorce à subir, un frère tout puissant à aimer un peu moins pour se faire une place… Une histoire ordinaire, finalement, qui tranche avec ce à quoi l’écrivain nous avait habitué. Une histoire de cœur, celle d’un « garçon trop à l’abri », sous les jupes de sa mère et derrière la carrure de son frère, qui, aujourd’hui, retient à tout prix une folle jeunesse dont on il n’a aucun souvenir. Une histoire de famille et celle d’un père maladroit mais aimant, qui donne lieu à une très jolie « séquence » quasi-cinématographique où Beigbeder « papa » parle à sa fille. J’aime Fréderic Beigbeder parce que, même quand il essaie de faire comme tout le monde, il n’oublie pas de nous offrir quelques unes de ses « poésies » : « La terre se dérobe sous mes pieds, je lévite sur coussin d’air, je suis une bouteille qui flotte sur la mer, un mobile de Calder ».
Un roman français
Frédéric Beigbeder
Grasset
290 p
18 euros