Les Brèves
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13 Fév 2003 |
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Voici une voix qui conte, celle d’une mère. Il s’agit d’"une histoire hors du temps, comme tout ce qu’on raconte, peu importe sa vraisemblance ou le poids d’un passé pesant comme autant de cailloux dans la bouche de celui qui parle". Nous sommes dès lors invités à un monologue intérieur rapporté par le fils de cette mère, procédé déjà utilisé dans Lauve le pur, paru en Folio poche l’an dernier. Ce tour narratif fait aussitôt du roman une intrigue contée où les effets spectaculaires ne sont pas de mise. Tout ce qui sera dit sera charrié dans le flux de la parole rythmée par la langue qui nous offre à lire et à entendre. Lire une musique, celle des mots, et entendre le bruissement des images dont regorge ce livre. Ici, le sens devient et procure sensation. Nous sommes dans la vie, celle des mots peut-être, mais en reflet de l’existence comme rarement on le voit. Les mots sont donc porteurs de sens et de sensations à la fois, ce qui permet à l’alchimie textuelle de s’exaucer. L’auteur a trouvé son rythme intime dans la narration, et sa vérité romanesque s’en ressent brusquement. Les paroles sont vivaces sous sa plume. Les mots remuent, nous remuent, prêts à mordre la réalité pour mieux la goûter, et la faire réagir. Tout ça parce que la voix qui conte est impliquée, engagée dans son récit, tout comme on s’engage dans la réalité de nos responsabilités quotidiennes, qu’elles soient lourdes ou légères. "Car c’est un peu la même chose, n’est-ce pas, ce qui a eu lieu et ce qu’on raconte : l’épaisseur d’une voix, ce temps qui se ramasse dans la bouche, le temps devenu salive, air et sang, la traversée de cette forêt morale et spirituelle qu’on appelle la vie". Le personnage principal dont il est question tient son destin dans son nom : Pierre-Marie Lavolps. Force du verbe sur nos vies : il y a un renard dans son nom (volpes, en latin), et cet animal tapi dans son patronyme comme dans son regard engendre la crainte aux alentours. Et toutes les autres familles voisines de revenir en écho au fil des pages, comme un clin d’œil aux autres romans de Millet, car toutes ses pages forment une saga du terroir magnifié, réunissant les êtres et les éléments, les familles et les anonymes, les passants que nous sommes, lecteurs, et les acteurs de ces drames se jouant sous nos yeux. Nous sommes pris à parti, toujours, dans un roman de Richard Millet. Comme chez Sylvie Germain, nous sommes proches. Nous sommes là, actifs dans notre écoute qu’il favorise, qu’il suscite en donnant le ton de la confidence. La confidence entraîne la confiance. On a envie de tourner les pages. Qui est cet innocent au nom à la fois masculin et féminin, à la grâce adolescente un peu trouble et qui trouble ? Il y a la fascination de la beauté qui nous plonge dans cet étonnement vital. Notre peur aussi, face à cette fascination. Ce sera une histoire d’amour évidemment, comme toutes les histoires. Une histoire de désir également. Une histoire, en tout cas, prête à s’offrir dans l’intelligence de sa générosité. Si, à notre époque, on publie trop souvent des immondices textuels n’apportant rien à personne sinon de l’argent à l’éditeur et du divertissement stérile au lecteur, nous pouvons affirmer que nous voyons en la personne de Richard Millet un écrivain allant à contre-courant. Un vrai texte est un texte fécond, portant en lui des effluves essentiels et des vibrations nécessaires qui provoqueront celui ou celle qui s’y aventurera, alors que pour certains éditeurs, un bon texte est un texte mort, qui ne dérangera personne et arrangera leur compte en banque. Mais voilà une voix qui compte, car son texte mord. Pour nous faire comprendre qu’on ne rêve pas les yeux fermés, mais grand ouverts sur le monde du langage qui peut faire de nous des hommes alertes. Richard DALLA ROSA Zone Littéraire correspondant Le renard dans le nom Richard Millet Ed. Gallimard 128 p / 11 € ISBN: 2070765458
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