Peut-être certains d'entre vous ont-ils eu la chance de visiter l'exposition qui a eu lieu au Pavillon des Arts à Paris du 7 mai au 3 août 1986, intitulée « Le texte et l'image ». Ce projet conçu par Jérôme Serri, alors commissaire de l'exposition, a permis de proposer un lien entre des œuvres d'art et les textes de Roland Barthes les accompagnant. Au programme : la peinture hollandaise, la Tour Eiffel, l'Art conceptuel, Arcimboldo, le Pop Art, les planches de l' «Encyclopédie »… Une palette de réflexions toutes plus pertinentes les unes que les autres, et c'est peu de le dire, tant il est encore meilleur de les savourer… Le catalogue propose en quatrième de couverture un extrait révélateur pour cette rubrique, lisez plutôt : « Il y a un travail que j'aime énormément, c'est celui qui consiste à monter un rapport entre le texte et l'image. Je l'ai fait plusieurs fois, et toujours avec un plaisir intense. J'adore légender les images (…) Ce que j'aime au fond, c'est le rapport de l'image et de l'écriture, qui est un rapport très difficile, mais par là même qui donne de véritables joies créatrices, comme autrefois les poètes aimaient travailler à des problèmes difficiles de versifications. Aujourd'hui, l'équivalent, c'est de trouver un rapport entre le texte et l'image. » Dans ce court passage, les mots-clefs – toujours en duo - sont « aime énormément », « plaisir intense », « joies créatrices ». Le discours intellectuel au service de la parole sensuelle. Le plaisir des sens par la captation du sens. Ou « fonder l'émotion dans la connaissance, afin que la connaissance devienne émotion », comme on peut le lire sur la couverture du « Dictionnaire d'histoire de l'art » de Jean-Pierre Néraudau (collection Quadrige, PUF, 1985, Paris). Quand la jubilation n'est pas seulement une histoire de cœur, mais aussi une affaire d'esprit. Le 2 mars 1991 disparaissait Serge Gainsbourg. Entre le mot et l'image, il avait réussi à cultiver le lien majeur, la musique. Textes, musique et images donnèrent des films. Du vidéo clip au long métrage, en passant même par quelques spots publicitaires, Gainsbourg se voua corps et âmes à la création, dans ce fameux état second qu'il revendiquait, et dont Baudelaire parlait déjà dans le petit poème en prose intitulé « Enivrez-vous ». De vin, de poésie ou de vertu, mais enivrez-vous. Jubilez. Faites jouir la vie afin d'en jouir à votre tour. Un comportement digne de Henry Miller dans une société houellebecquienne… D'ailleurs les images des mots jouent entre elles : jeu d'initiales ici, où les initiales de Henry Miller résonnent à l'inverse de Michel Houellebecq. Un signe qui aurait du sens ? Allez savoir… En tout cas, Roland Barthes et Serge Gainsbourg auront su mélanger les langages pour le plus grand plaisir de l'intelligence cordiale. Même si ces deux noms manquent à l'appel, leur image plane encore, chargée de pensées riches et fécondes, qu'il est primordial de (re)découvrir.
Florian Zeller
Richard Dalla Rosa Ed. 0 p / 0 € ISBN:
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