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Entretien avec Jean Pierre Cescosse Votre titre ? Si l'on consid�re la vie comme une attente de la nuit, on aboutit presque au concept heideggerien de " l'�tre-pour-la-mort " ? Vous me parlez d'Heidegger, je penserais plut�t � Pascal : la diversion v�cue comme divertissement. L'homme faisant tout ce qu'il peut pour �chapper � son essence. Sa man�uvre de diversion est de ne pas en avoir, d'�tre lui-m�me dans sa singularit�. Il essaie de se parcourir lui-m�me dans tous ses aspects, sans rentrer dans un cadre d�fini. Il ne tient pas de discours
sur la r�sistance, mais sa fa�on d'�tre est r�sistante face aux dogmatismes de toutes sortes, y compris esth�tiques.
Est-ce qu'on est un individu ? Est-ce qu'on est un " je " ? Est-ce qu'on est un moi ? On a parfois cette sensation de vertige de pouvoir �tre � soi-m�me toute l'humanit�. Ses aspects les plus noires comme ses
aspects les plus beaux. On a en soi toutes les potentialit�s de l'humain. Donc il est difficile de se trouver individu et de se raccrocher � ce grouillement d'humains qui va de Hitler � Kant, et de Robert Musil au
cannibalisme. Les aspects antinomiques de l'existence sont des choses auxquelles on ne peut dire oui que conjointement.
Oui, il y a une sorte de violence dans la sexualit� : on est aussi de la viande. C'est tr�s difficile de d�sirer quelqu'un en ayant en t�te la tendresse que l'on a pour cette personne. Ce n'est pas une vision noire
de la sexualit�, c'est simplement la conscience que la sexualit� humaine est une sexualit� pensante et consensuelle� Donc, c'est tr�s compliqu�. Putain, c'est bien ce que je viens de dire.
Vous avez fait le choix d'�largir votre champ d'observation � un environnement, et non � un seul personnage. Oui, je n'ai pas voulu me focaliser sur un seul personnage. J'ai voulu un
roman non lin�aire : chaque chapitre est une sc�ne presque autonome, avec �videmment une coh�rence globale. Est-ce qu'on peut y voir l'influence de votre pass� de nouvelliste? Cette d�construction de la forme lin�aire du roman est-elle une caract�ristique du roman contemporain ? Non, j'ai plut�t l'impression inverse, celle d'un retour du roman
naturaliste. Je n'ai pas de th�orie sur le roman, j'aime la diversit� des formes. Mais il y a beaucoup de choses sans int�r�ts : Simone rencontre Jean et tout � coup ils se quittent : on s'en fout ! La r�gence. A partir du moment o� il y a une volont� de r�genter l'existence dans ses moindres d�tails, il y a une implosion tout
simplement parce que les gens ont une capacit� de r�sistance insoup�onnable. C'est une tendance assez �ternelle, cette volont� : de l'Inquisition au Stalinisme. Le fait de se confesser ou d'aller voir son
psy, tout �a, c'est quand m�me de grandes escroqueries monstrueuses. Vous souffrez ? Eh bien, c'est normal, on souffre tous. Les solutions toutes faites sont des grosses merdes. Tout d�pend de ce qu'on en attend. Si c'est un r�confort, c'est tr�s bien. Si c'est une solution "absolue", c'est une connerie, fut-elle freudienne,
junguienne ou autre. Enfin, c'est mon avis. Vous coupez le truc sur la psychanalyse pour l'article� Propos recueillis par Florian Zeller |
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