A la recherche du Je perdu N'�tes vous pas " hors du temps " ? Cet intimisme de chaque page�
Constatez-vous une �volution marqu�e de votre style ? L'avez-vous " d�couvert " ? L'�crivain, comme chacun, n'est pas un �tre unique, je veux dire par l�
statique. Mon �criture �volue au fil de ma carri�re et des �v�nements d�terminants de mon existence. L'histoire de ma vie personnelle et celle de ma vie professionnelle sont une et indissociables ; ce qui marque la
sph�re intime conditionne tout le reste, c'est � dire mon activit� d'�crivain. Publier deux romans au sein d'une rentr�e abondante : pari, calcul ou folie ?
Publier deux ouvrages l'un apr�s l'autre n'est absolument pas strat�gique. Je me suis simplement rendu compte, lorsque j'ai termin� Ma vie folle fin 1999, que rien n'�tait termin�, � peine commenc�. Alors
3 mois apr�s je me suis mis � Ton corps, qui en est la continuit� logique et le point d'aboutissement. Ces 2 livres sont une mise � nu qui �tait indispensable.
Vous avez fait le choix de tout exprimer. Aucune pudeur ? L'�crivain dit la v�rit� mais tout ne peut �tre expos� en lumi�re, il est
normal que certaines choses restent dans l'ombre. Il faut bien prot�ger les enfants, par exemple, les pr�server.
Je le suis : mon histoire personnelle, l'amour. Et je suis persuad� de la pr�dominance de l'h�ritage familial sur l'�tre et le devenir de chacun. C'est pourquoi j'essaie de transmettre autre chose que ce que moi j'ai
re�u. Mais l'enfant peut �tre � la fois la castration du p�re, la s�paration du couple lorsqu'il se s�pare du corps de la m�re� Miroir de l'alternance de ce livre : r�cit et r�flexivit� du corps
pour et par lui-m�me ? Le choix de narration est particulier puisqu'il alterne l'�vocation de la rupture et celles du corps marqu� qui se lib�re ou tente de se lib�rer de
ses fl�trissures et des stigmates de la souffrance. Ce dualisme retrace l'histoire m�me du corps dans sa conception jud�o-chr�tienne, s�par� de la pens�e et de la conscience, r�duit � l'�tat d'enveloppe sans valeur. Vous souhaitiez donc refl�ter la dichotomie subie par la quasi totalit� de notre soci�t� Une dichotomie de nature religieuse et qui est n�faste � l'homme. La
rationalisation pure et la primaut� du mental ont parfois conduit � de grandes catastrophes.
Les allers et retours du corps au rappel de la rupture montrent cette constante oscillation entre ce qu'on devrait faire pour oublier et avancer, et que ce nous pouvons faire. Il y a constante opposition entre les deux
et souvent impossibilit� de faire ce qui nous est le plus b�n�fique. Mais la conscience est aussi indispensable au d�passement de l'�preuve�
Elle doit parfois �tre abandonn�e pour que le corps soit retrouv� face � la douleur. Ensuite seulement Conscience et Corps peuvent �tre r�unis. J'en ai rencontr� peu qui savent s'allier en et avec eux-m�mes pour
exprimer cette harmonie. Qui est et enti�rement incarn� ? On d�teste presque tous nos imperfections, les cicatrices de nos corps et les marques du temps�
Tu es le temps� Cela peut signifier : l'acceptation du temps, son refus (tuer le temps) ou une complicit� fataliste (se divertir pour l'�viter).
Toutes les d�finitions sont bonnes. La langue fran�aise nous permet de jouer sur tant de registres parlants � l'autre, � celui qui �coute. Ma voix, mes mots, les sensations, et tout ce qui vient � ma plume veut �tre
partag�, est destin� � �tre entendu. Depuis quelques ann�es, j'ai enfin l'impression d'aller � la rencontre
d'une oreille qui est je pense plus attentive � ce que je peux raconter. L'�crivain est un �tre en col�re, un artiste qui veut exprimer ce qu'il porte en lui, qui jette sur le papier sa v�rit� � l'instant qu'il choisit. Cette col�re : on la sent tr�s pr�sente � certains passages de votre livre� Je ma�trise ma violence. C'est tr�s difficile de dominer la col�re, la jalousie aussi. Cela ne va-t-il pas contre la libert� et la spontan�it� premi�re du corps recherch�e ? La violence est retourn�e contre soi, contre le corps qui est la
manifestation de soi la plus tangible, pour ne pas faire mal � l'autre. C'est n�cessaire m�me si le mouvement spontan� du corps est brim�, sinon on pourrait devenir de v�ritables meurtriers� Il faut parvenir � une
certaine connexion de la totalit� du corps � celle de l'esprit. Le vide, la connexion, la nourriture physique et spirituelle� Une forme d'anorexie ?
Oui, j'�cris comme l'anorexique �prouve le besoin de remplir, qui se sent d�sesp�r�ment vide, � en hurler. Un vide � combler mais qui conduit souvent � l'�c�urement� La rencontre avec cette femme � la fin de Ton corps sous-tend l'impossibilit� de trouver une unit� autre qu'en soi-m�me : seul le
partage de la tendresse et la douceur est envisageable dans l'histoire v�cue avec elle. La fusion avec l'autre n'aboutit pas � cette totalit� � laquelle on aspire. Mais finalement je pr�f�re rester morcel� et
amoureux plut�t que total et seul. Et cette ligne blanche dont vous scindez le corps quand celui-ci recherche un �quilibre ?
Cette ligne imaginaire qui partage le corps peut �tre en effet � double sens : refl�tant la sym�trie donc la totalit�, et en m�me temps un �quilibre pr�caire, relatif � ce fil sur lequel le funambule danse, entour�
de vides� L'�quilibre que l'on pense atteindre est toujours fragile. Apr�s un roman je suis vid�. A bout de souffle. Alors les projets pour l'instant�
L'�criture c'est gu�rir soi, c'est aider l'autre. Ecrire doit permettre d'avancer en soi et vers soi, de reconstituer son Je, et si cela doit permettre d'aider celui qui vous lit. Propos recueillis par Jessica L. Nelson. |
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