Difficile d'en dire quelques mots avec objectivit� D'ailleurs je me suis peu int�ress� � l'actualit� des prix litt�raires, peut-�tre un peu plus
effectivement depuis 2 ans� Mais d'une mani�re g�n�rale je ne suis pas ce genre d'�v�nements fr�n�tiquement.
Surpris par le Goncourt 2000 ?
Ingrid Caven
�tait tr�s int�ressant, et j'ai lu Rose Poussi�re lorsqu'il est sorti. Je n'ai pas �t� �tonn� : mes livres n'avaient pas non plus le profil d'un tel prix, alors pourquoi pas un auteur un peu en marge comme
Jean-Jacques Schuhl� D'ailleurs cette orientation est � mon avis plus riche, elle permet une diffusion plus vaste que certaines �uvres pouvaient esp�rer, justement parce qu'ils n'ont pas un profil que l'on
pourrait qualifier d'habituel, c'est-�-dire correspondant � ce que l'on pense que le public attend.
D'accord avec ceux qui vous qualifient comme un auteur " d�cal� " ?
Je me suis toujours senti un peu en marge de ce qui se fait en litt�rature aujourd'hui, mais il se trouve que depuis environ vingt ans mes livres ont rencontr� un certain public, donc la marge est plut�t
confortable. Une sorte de marge � l'envers !
La rentr�e litt�raire 2000 ?
Je m'int�resse surtout aux auteurs que je connais. Cette ann�e, l'ouvrage qui a retenu mon attention �tait
Parti, de Fran�ois Salvaing. Un livre " g�n�rationnel ", sans doute une des raisons pour lesquelles je m'y suis int�ress�. J'ai � peu pr�s le m�me age que l'auteur qui
raconte une �poque dont j'ai �t� le t�moin, des �v�nements que j'ai v�cus, quoi que sous un angle totalement diff�rent, une actualit� que j'ai suivie. On aime � retrouver des questionnements politiques et
historiques communs, des regards contemporains sur des points qui suscitent la r�flexion.
Le Goncourt 1999 : un tournant pour l'�crivain et l'homme ?
Pas vraiment. Mis � part une ampleur plus grande que le M�dicis de Cherokee et le Novembre de Les Grandes Blondes, ainsi qu'une " f�tichisation " sociale plus importante pour le Goncourt. J'ai l'ai v�cu
dans une esp�ce de continuit� un peu surprise ; cette histoire de Goncourt, c'�tait une plan�te diff�rente de la mienne� Pas de bouleversement majeur, mis � part l'�motion de constater que mes
livres ont alors touch� dix fois plus de lecteurs qu'auparavant, que j'�tais souvent abord� dans la rue par des inconnus �logieux... Mais mes projets en cours n'ont pas �t� modifi�s. La seule chose qui a
chang� : j'ai pu agrandir mon appartement. Cela ne se voit pas encore, les travaux n'ont pas commenc�
Et la discr�tion dont vous vous entouriez ? Vous �tes-vous senti agress� ?
Pas agress�, mais simplement fatigu�, �prouv� par la m�diatisation que ce prix engendre. Je suis rest� allong� deux jours entiers apr�s
pour me reposer ! Et la " fausse " biographie que j'ai fait para�tre pour les communiqu�s de presse n'�tait pas destin�e � d�router les journalistes et encore moins � se moquer de qui que ce soit, m�me si
cette histoire me suit encore quinze ans apr�s ! On m'avait demand� d'�crire une notice autobiographique. Un pi�ge narcissique dans lequel je ne souhaitais pas tomber : j'ai �crit quatre lignes, ne souhaitant pas
exposer certaines choses de ma vie ni commenter mon travail, puis je me suis aper�u que cela n'avait aucun int�r�t. Et comme je suis un �crivain de fiction, je me suis servi d'elle et d'une sorte de pudeur pour
�crire quelque chose de totalement diff�rent.
Le go�t de l'�criture ?
Il m'est venu tr�s jeune, vers dix douze ans. Je ne savais pas du tout la
forme qu'il prendrait, presse ou autre ; mais la litt�rature �tant ce qui m'a toujours passionn�, c'est naturellement vers elle que je suis all�... Je composais souvent des petits textes, des commencements de
fiction, des po�mes comme tout le monde (que j'ai heureusement perdus ! Rires�) et j'avais �bauch� un roman �pistolaire. Cet apprentissage tendait in fine vers le roman, et mes perspectives et
ambitions ont rencontr� le besoin urgent de la concr�tisation. J'ai alors appris que l'on devait retravailler les premiers jets, revenir sur ce qui vient sous la plume pour lui donner une profondeur et un relief v�ritable.
Des �v�nements, rencontres ou influences d�terminantes ?
Je relis certains �crivains de mani�re fr�quente, tels que Flaubert, Nabokov, Queneau, qui sont pour moi des fen�tres importantes. La
rencontre d�terminante : mon �diteur. Je souhaitais publier chez Minuit depuis le d�but.
Vous vous �tes donc imm�diatement tourn� vers J�r�me Lindon ?
Justement non ! Minuit me semblait tellement s�rieuse, rigoureuse� Je n'osais pas leur envoyer mon travail, que j'estimais presque " indigne "
d'elle, je pensais que les �diteurs ne l'accepteraient jamais. Je l'ai donc envoy� � toutes les autres maisons d'�dition, et ma collection de lettres de refus �tait telle que j'ai pens� qu'il fallait que j'aie �galement
celle de Minuit. La seule qui n'est pas venue�
Ecrivez-vous pour vous ou pour les autres ?
J'�cris pour moi en tant que lecteur. J'�cris ce que je souhaiterais lire,
esp�rant que mes v�ux en rejoignent d'autres similaires. Je pense que l'�crivain n'a pas de mission pr�cise ou de message particulier � transmettre ; il doit simplement un certain respect � l'�criture
elle-m�me, � la fiction. L'�crivain doit offrir le t�moignage d'amour de la prose et de la litt�rature le meilleur possible, le plus vrai, le plus passionn�.
Vous sentez-vous crev�, vid� apr�s avoir termin� l'�criture d'un roman ?
L'�criture est tr�s physique : donc crev�, mais pas vid�. La derni�re
version d'un ouvrage est la plus fatigante mais la plus int�ressante, c'est �galement un temps ou d'autres id�es naissent, o� d'autres projets se mettent en place. Une p�riode ou l'on se place dans
" l'apr�s ", ou, personnellement, j'essaie toujours de prendre le contre-pied de ce que j'ai dit et �crit auparavant� L'occasion de " casser une m�canique " qui s'est mise en place pour ne pas se
r�p�ter. Donc jamais de vide ; plut�t soulag�, lib�r� et d�j� dans une r�alisation future !
Dans une recherche de perfection ?
Evidemment, comme tout �crivain qui se respecte et respecte son lecteur, quel qu'il soit. Je ne retravaille pas mes manuscrits avec l'�diteur, � une exception pr�s, o� il m'a aid� � revenir sur la fin d'un
livre. J'en ai d'abord �t� catastroph� et suis rentr� chez moi abattu. Je me suis pench� � nouveau sur la partie en question, puis finalement sur l'ensemble. L'intervention de J�r�me et Ir�ne a fait gagner � mon travail
en qualit� et en coh�rence ; un bel exemple de la collaboration entre �crivain et �diteur qui porte ses fruits !
Vos voyages, source d'inspiration ?
Je crois surtout � l'obstination dans l'�criture, et pas tellement � l'inspiration. Je suis parti en Inde dans la perspective d'utiliser certaines notes pour l'�criture de Les grandes blondes. En rentrant, il m'a sembl�
que tout le voyage n'avait �t� qu'un pr�texte � prendre des vacances et � retrouver l'Inde, mais finalement ces �crits de deux mois m'ont beaucoup servi quelques temps apr�s. Ce que j'avais failli jeter s'est r�v�l� pr�cieux.
Vos romans vous conduisent sans cesse � l'�tranger, dans des p�riples et des endroits divers� Votre go�t pour ces d�coupages spacio-temporels ?
Cela tient sans doute � mon amour du mouvement, � mon attirance pour les d�parts, l'exploration incessante de lieux diff�rents. Les lieux sont des moteurs de fiction aussi importants que les personnages ; et
le d�coupage du temps, ternaire pour le voyage (visible dans les trois parties), binaire pour les protagonistes (les allers-retours de F�lix � Delahaye) de Je m'en vais, viennent lui donner un rythme particulier je
crois, m�me s'il n'�tait pas �vident � agencer !
Pourquoi le Grand Nord, alors que vous n'y �tes pas all� ?
Je souhaitais offrir un contraste avec l'Inde, utilis�e pr�c�demment. Le
moyen de rendre un " exotisme " presque neutre, minimum, silencieux, uni ; � l'encontre des paysages bariol�s et bruyants de Les Grandes Blondes
. Un " ailleurs " le plus diff�rent possible de ce que j'avais d�crit auparavant.
Prochaines destinations ?
Je voyage moins qu'avant et je travaille mieux ici. Peut-�tre l'Inde ou le Japon, mais j'ai pour l'instant d'autres projets�
Propos recueillis par Jessica L. Nelson