Estelle, jeune et jolie célibataire trentenaire vivant à Paris, rencontre William : un peu plus âgé, divorcé, séduisant, excellente situation. L’attirance est immédiate et mutuelle, le besoin de s’engager réciproque. Dîners, sorties, installation progressive de la traductrice chez son amant : si ça n’est pas le couple idéal… De Viviane (confidente et entremetteuse d’Estelle) à Walter (adolescent malin qui se rapproche très vite de la nouvelle épouse de son père), tous saluent l’union désormais officialisée. Ceci n’est que le début. Car Denis Lachaud a pour objectif de retracer ici les trois temps qui rythment une histoire d’amour, à commencer par la période de conquête, où rendez-vous rime avec palpitations et frissons. Pour en venir à l’attachement, à la vie au quotidien, aux lourdeurs et à ces déchirures qui conduisent à la rupture. Troisième acte : la guérison, la reconstruction après l’enfermement et la dépression. De la solitude au mariage, jusqu’à la convalescence qui parvient quant à elle à véritablement combattre la solitude : est-ce cela, une histoire d’amour ? Car de solitude il est finalement question. Elle sous-tend l’ensemble de ce formidable roman sur la séduction et sur le couple, qui ne prétend pas accéder à l’inédit mais qui restitue avec justesse et simplicité quelques problématiques amoureuses très contemporaines. La solitude martèle, obsède, possède jusqu’au bout même lorsque l’on se croit enfin à l’abri. Et être deux, ça n’est pas toujours le remède à ce mal. On se piquera dans Comme personne au jeu du poids de décisions qui semblent minimes, mais qui se révèlent déterminantes et fondamentales pour l’avenir. Quoique non rédhibitoires. En l’occurrence, lorsque Estelle engage la conversation avec William, ne le fait-elle pas au détriment du jeune Vincent, plus maladroit et nerveux… A-t-elle eu raison ? Mais comme personne n’est meilleur juge que soi-même, comme personne ne sait de quoi demain est fait, comme personne n’est parfait… Tous les bons ingrédients sont présents : une construction qui ne s’appesantit pas, des personnages fouillés (comment ne pas évoquer Walter et sa tendresse pour Estelle qui ne juge rien en lui, et surtout pas son homosexualité), une touche de colère face à la réclusion librement subie et une louche de mélancolie, des réminiscences et surtout de l’espoir. Car parmi les amants de passage, les Grégoire, Rodolphe, et autres Raphaël : il y a aussi Vincent, qu’Estelle finit par retrouver. Tous deux ne savent ce qui les attend, mais n’ont pas l’envie de percer le mystère davantage. Comme personne, vivre confiants.
Jessica Nelson
Comme personne Denis Lachaud Ed. Actes Sud 166 p / 16 € ISBN:
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