Artiste drogué, amoureux d'une muse androgyne, lèvres rouges, cheveux longs... l'artiste, c'est Jean-Michel Basquiat, un des premiers graffeurs noirs à percer dans un milieu exclusivement blanc. "Il sent le cuir, la peinture à l’huile, la marijuana et ne marche jamais en ligne droite." Ses accessoires : la peinture, le sexe et le jazz. Sa muse-amie-amante multi-fonctionnelle s’appelle Suzanne. "Assez menue pour descendre par le trou de la cheminée, Suzanne a l’air d’une petite fille qui a mis la robe de sa mère. Elle a les lèvres teintées au "love-that-red" de Revlon, les cheveux noirs et la peau blanche."
Comme Basquiat dans ses crises, le père de celle-ci était violent. La preuve, elle " a une cicatrice sur le front depuis qu’il l’a balancé dans l’escalier." Sa mère, elle, tenait une école maternelle où "il y avait des enfants normaux, des attardés, autistes, aveugles, infirmes. " Grâce à cette ambiance aussi chaude que froide, Suzanne comprend dès son plus jeune âge que le mot "normal" n’est qu’une image lointaine dans l’Idéal humain. C’est également ce qui lui permettra de partager la vie de Basquiat, profondément blessé par la "perte" de sa mère, recluse dans un asile psychiatrique. Ils se rencontrent à New York, au Night Birds bar. Elle, elle y travaille pour fuir ses parents. Lui, "il a les cheveux très courts avec des dreadlocks très longues dans le dos. Il est âgé de vingt ans, grand et svelte, mais d’allure enfantine. Et une certaine pesanteur due à sa consommation excessive de marijuana. Suzanne pense : S’il me tombe dessus il va être terriblement lourd." Malgré ce détail et le fait qu’ils ne se connaissent qu’à peine, lorsque Suzanne se fait virer de son boulot, Basquiat emménage chez elle pour ne plus jamais la quitter. Passant de l’anonymat le plus complet à un compte bancaire de plus de six zéros, "Jean", comme le nomme Suzanne, comptera parmi ses amis et entre autres célébrités, Madonna et Warhol. Les accessoires de sa réussite ? l'héroïne, le sexe et le jazz. Underground à mort, ce célèbre artiste des années 80 est ici vu, vécu et corrigé par Suzanne à travers la main de son amie Jennifer Clément, poète et romancière. Des récits de Suzanne sur trame romancée où les mots deviennent images, des scènes saccadées et parfois violentes pour nous rappeler que le monde ne s’arrête pas aux lettres et que l’art et la vie de Basquiat s’apparentent à ces jets. Il lance des bouts de phrases sur ses toiles, change fréquemment d’avis, dort dans d’autres femmes. Les images deviennent mots. L’auteur alterne écrits et propos de la muse de Basquiat comme pour justifier chaque lettre, appuyer très fort, afin de faire comprendre au lecteur que toutes ces phrases sont des moments de la vie de Suzanne : souffrances, rêves, souvenirs et états d’âme. Underground à mort, Basquiat est ici vu, vécu et corrigé par Suzanne à travers la main habile de son amie Jennifer Clément, célèbre poète et romancière de la scène new-yorkaise des années Disco, vivant aujourd’hui à Mexico. Carine Pigny
Zone Littéraire correspondant
En compagnie de Basquiat Jennifer Clément Ed. Editions Denoël et d’Ailleurs 221 p / 20 € ISBN: 2207252485
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