Seulement l'amour Philippe S�gur Buchet-Chastel

Prix éditeur 20.00 euros

Conte moderne pour individus dans le doute, le roman de
Philippe S�gur rompt avec un naturalisme tr�s en vogue sur le
m�me sujet.

Que les adultes rem�chent leur mal de vivre en ce d�but de
mill�naire ! Dernier avatar de cette qu�te du bonheur
apparemment si difficile, Seulement l�Amour examine un
quadrag�naire frapp� d�ennui et saisi d�une nostalgie
touchante, que les regrets vont guider dans un voyage temporel
sur les routes et carrefours d�une vie. Voil� donc Hippolyte
Sicher, quarante-quatre ans, neuropsychiatre parisien,
embourgeois� sans vraiment l�avoir voulu ni m�me s�en �tre
apercu, et dont la vie s�allonge au rythme des malades. Une
existence de petit notable anonyme toute contemporaine en
somme, o� le fade le dispute au morne, et qu�une liaison avec
la secr�taire m�dicale parvient � peine � �gayer. Refrain connu,
la chair est triste et la musique sans int�r�t, puisque
Jean-S�bastien Bach est ramen� au niveau de Jim Morrisson,
"rock legend" certes, mais tout de m�me. C�est s�r, tout est
perdu� Presque tout, en r�alit�, car ce vide terrifiant est soudain
peupl� d�un seul souvenir, ressurgissant du fond de la
jeunesse.

Madeleine de Proust

Propuls� par hasard dans des r�ves quasi conscients que lui
soufflent des morceaux de Depeche Mode et autant d�essences
de parfum, le bon Hippolyte revit moment par moment son grand
amour pour Mado, �tudiante en m�decine, jadis quitt�e avant de
l��pouser. Fort de ce don tout � fait inesp�r�, il m�ne d�sormais
une double vie, entre un r�el toujours aussi ennuyeux et des
�chapp�es de bonheur mn�moniques avec Mado � la fac, au
caf� ou sur le pont des Arts. Les remords grandissent alors
avec les souvenirs de vingt ans, au fil de cette double narration
originale, men�e � deux voix, celles du pr�sent et de la
m�moire, mais port�e par un style manquant de nerf jusque l�.
Seule cocasserie de taille parmi les p�rip�ties qui tentent de
bousculer ces allers et retours dans le temps: � la faveur d�un
accouplement express avec sa secr�taire, le bon Hippolyte se
d�couvre un troisi�me testicule ! Et l�on se dit que l�appendice
surnum�raire va nouer plus serr� le r�cit !

Trois testicules plus tard�

Diagnostic pos�, ce n�est qu�un kyste dont l�op�ration referme
myst�rieusement les portes du pass�. Finies, les escapades
nostalgiques et les souvenirs id�alis�s. Dos au mur, priv� de
ses souvenirs et d�sormais rong� par les regrets, Hippolyte n�a
pas le choix : il veut retrouver Mado, ici et maintenant. Or en la
poursuivant, c�est sa propre histoire qu�Hippo (c�est son
surnom) d�couvre, un autre lui-m�me qu�il aurait pu devenir si le
pass� n��tait pas ce qu�il �tait. Le tour surnaturel, inspir� des
uchronies de Philip K. Dick apparemment famili�res � l�auteur,
vient � point rompre une certaine monotonie. Pas question, ici,
de d�voiler l�issue de ces jeux habiles et labyrinthiques dans le
temps. Mais soulignons que ce dernier tiers du roman est men�
avec brio. Abandonnant le r��l, Philippe s�gur est l� dans son
tempo, le style tendu vers la r�solution de ces entrelacs de la
m�moire, ces bribes de r�cits qui se retournent sur eux-m�mes
jusqu�� l��pilogue et la s�r�nit� retrouv�e.
Le principe d�une narration fugu�e, o� la voix de l�histoire
s�insinue et passe lentement au dessus du pr�sent, �tait
pertinent. Sa bonne mise en oeuvre dans la derni�re partie du
roman reste toutefois tardive et p�tit de quelques longueurs
pr�alables. L'ouvrage repos� revient un souvenir: Jim
morrisson, pourquoi pas, mais pour le contrepoint, c�est
Jean-S�bastien�

Marc Delaunay