Crack Tristan Jordis Seuil

Prix éditeur 19.00 euros

� Documan � �trange et p�n�trant, Crack est un
hybride. A la fois essai sur la normalit� et plaidoyer pour la
libert�. Ouvrez grand les synapses.

Difficile de se colleter avec les limites. Tristan Jordis a pourtant
d�cid� de les arpenter dans ce premier � documan � - tant son �uvre
est tangente entre le document-choc et le roman d�exp�rience.
Crack fait preuve de beaucoup d�habilet�, en tirant un succ�s
litt�raire d�un �chec de vid�aste : un reportage avort� sur la vie
des toxicomanes de la porte de la Chapelle, � Paris. Si loin si
proche. Une sorte de furoncle soci�tal perdu entre deux piles
d��changeurs du p�riph�rique, hommes maudous dominants (dealer en
dialecte africain), femmes proie � la r�silience extr�me ou loques
b�ta sous dos�es, sous nourries� sous humaines ?Non. L�humanit� ne quitte jamais le corps ni le Verbe de ces � tox �. Par-del� les murs
pharmacologiques, Jordis tend m�me � voir en chaque � crack addict �
un philosophe r�prim�. Il faut dire qu�ils ont pour juger la soci�t�
des hommes toute la distance qui les en s�pare. Divine subjectivit� :
l�auteur serait-il en pleine catharsis de sa culpabilit� de Fran�ais
moyen, surconsommateur et sous citoyen ? Il y a de facto de la
r�demption dans Crack, la descente au premier cercle et � la
premi�re personne d�un p�kin plus �veill� que la moyenne.

Hors les murs

Une sorte de Passion lucide, une �chapp�e belle de la part de
l�auteur, un gar�on certainement un peu trop intelligent pour avaler
les couleuvres consum�ristes, mais trop bien �lev� pour se vautrer
dans la drogue. Sanit� et insanit� se tiennent dans un mouchoir de
poche. C�est peut-�tre la le�on principale de Crack. Rappelons
que cette drogue est produite � partir de coca�ne chauff�e avec du
bicarbonate de soude. Le tout est vendu sous forme de � galettes � �
fumer, gr�ce � une pipe g�n�ralement � home made �, par exemple �
partir d�un doseur � Pastis. Drogue des pauvres, d�pendance ultra-
rapide� La sanction tombe rapidement : perte d�emploi, de rep�res, de
famille, d�socialisation. Un bannissement pharmacologique. Rares sont
les utilisateurs occasionnels. Une sorte d�anti-coke pour les anti-
cadres. Parfois confus dans son propos, comme dans sa narration,
Crack paie cash le prix de la v�racit� et de l�honn�tet� de
son r�cit. Il sera beaucoup pardonn� � Tristan Jordis. La sinc�rit�
�tant une denr�e plus rare que la blanche 100 % colombienne, elle est
aussi infiniment plus pr�cieuse. Ses tableaux de squats peupl�s de
fant�mes mythomanes et imbib�s de dopamine sont trop curieux pour
�tre ignor�s. Parce qu�une fois, rien qu�une fois, il nous sera donn�
� tous de penser que la vie est plus douce dans les serres de la
d�pendance. Give up the fight.

Laurent Simon