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Nuit de cristal
| | Jerusalem Gon�alo M. Tavares �ditions Viviane Hamy
| Prix éditeur 22.00 euros
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Huis-clos mythologique dans une J�rusalem allemande sous
la plume d�un jeune auteur portugais lecteur de Kierkegaard et d�Hannah Arendt.
Premier roman de Gon�alo M. Tavares traduit en fran�ais,
J�rusalem impressionne par la concision et le d�nuement de sa
langue. L�auteur, adoub� par les plus grands auteurs portugais � le
v�n�rable Saramago se dit jaloux de lui � signe un roman d�rangeant
et cynique. J�rusalem, titre trompeur. L�histoire ne se
d�roule pas dans la ville sainte. L��vocation des camps de
concentration (r�cit d�un juif lib�r� de Buchenwald), les sonorit�s
des noms et des lieux plantent plut�t le d�cor de l�Allemagne des
ann�es 1939. Et J�rusalem est bien l�histoire d�une
d�portation et d�un enfermement. D�portation dans un asile.
Enfermement dans la peur, dans la qu�te. La nuit du 29 mai, six
personnages errent dans les rues d�une ville sans nom. Cette nuit-l�,
personne n��chappe � la cruaut� ou � la mis�ricorde de ses
semblables. Il y a Theodor Busbeck, m�decin r�put�, sp�cialis� dans
l��tude de la folie. Mylia, son ex-femme schizophr�ne. Ernst
Spengler, arrach� au suicide par sa ma�tresse. Kaas, enfant
ill�gitime de Mylia et d�Ernst. Hinnerk Obst, ancien soldat arm� et
rong� par la peur. Et Hanna, sa ma�tresse, prostitu�e. De fr�quents
flashbacks �tablissent les circonstances dans lesquelles ces
personnages se rencontrent.
A la Murnau
Ce roman surprenant est extr�mement graphique. Les personnages
semblent tout droit sortis d�un film expressionniste allemand.
D�inspiration biblique et philosophique, le r�cit est travers� par la
question du mal et de son rapport � l�Histoire (est-il justifiable
d�int�grer la Waffen SS lorsque l�on est au ch�mage depuis plusieurs
ann�es ?). Mais Tavares, malgr� la gravit� des th�mes qu�il aborde,
le fait parfois avec humour. Le p�re de Theodor Busbeck, personnage
intransigeant avec la soci�t� qui l�entoure, est le genre d�homme
dont on dit � la ville enti�re �tait � sa disposition, comme si
chacun avait une place de plus � sa table au cas o� Thomas Busbeck
aurait voulu l�honorer de sa pr�sence. � La fameuse nuit du 29
mai, chacun tente d��chapper � l�enfermement qu�il subit. Et part en
qu�te du souffle de la rue. Le r�cit bascule alors dans la trag�die
racinienne. Les personnages ignorent les liens qui les unissent.
Entre meurtre et vengeance, ceux-ci se r�v�lent inextricables.
L�enfant de l�asile se mue en figure christique et permet peut-�tre
la r�demption des autres personnages. La prostitu�e � sorte de Marie-
Madeleine affubl�e du pr�nom de la philosophe allemande � est
certainement celle qui s�en tire le mieux. Elle vit dans la rue et ne
subit aucune forme d�enfermement. N�est-ce pas en d�finitive le seul
�tat de libert� du roman et de la vie ? Dans une langue s�che et
aff�t�e comme un couteau, Tavares impose au lecteur le regard
sceptique qu�il porte sur les hommes. Non sans ironie, il livre une
v�rit� troublante � les hommes normaux ne savent pas que tout est
possible. � D�rangeant ?
Camille Paulian
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