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Au nom du fils
| | La porte des Enfers Laurent Gaud� Actes Sud
| Prix éditeur 19.00 euros
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Pour son cinqui�me roman, Laurent Gaud� ne quitte pas l�Italie mais surprend avec cette version moderne et bouleversante d�une descente aux Enfers. Au sens litt�ral du terme.
La vraie surprise de ce livre qui vous tient au corps et au c�ur, c�est bien cela, le fait que la descente aux Enfers de son h�ros ne soit pas figur�e mais bien r�elle, et que cela paraisse tout � fait cr�dible. Renouant avec l�aspect �pique qu�on avait tant aim� dans La Mort du Roi Tsongor, Gaud� se livre ici � un r�cit familial comme dans Tsongor et surtout Le Soleil des Scorta, prix Goncourt 2004. Cette fois, ce ne sont plus dans les Pouilles qu�il nous emm�ne mais � Naples, dans son ambiance crasseuse et populaire, ses quartiers pauvres et interlopes. Entre 1980 et 2002, trois r�cits s�entrem�lent, ceux de Matteo, le p�re d�vast�, Giuliana la m�re vengeresse, et Filippo, le fils revenu d�entre les morts. Tous sont unis par le drame qui frappa leur famille un jour de juin 1980, lorsque le trop jeune Filippo meurt, victime d�une balle perdue dans un combat de rue. Giuliana ne pardonne pas � Matteo son incapacit� � se venger, et s�en va, l�abandonnant � son chagrin inconsolable.
Les Tragiques
Ce qui frappe dans ce roman, c�est sa dimension infiniment tragique qui doit beaucoup � la lecture probable des dramaturges antiques et qui hantent l'oeuvre th��trale et romanesque de Gaud�. Ici rien ne manque : outre l��l�ment r�el des Enfers l�gendaires, on trouve en effet le th�me de la vengeance, les h�ros soumis � la fatalit� divine et qui vont se battre contre la rudesse de leur destin�es humaines. A cet �gard, Giuliana est la digne repr�sentante d�une lign�e d�h�ro�nes tragiques, dont elle a la duret� face au malheur,la folie, la vengeance insens�e, la passion d�raisonnable. Comme Electre ou Antigone, elle n�h�site pas � se dresser contre les lois humaines et divines, refusant d�accepter l�inacceptable, s�ent�tant dans ce refus au m�pris de sa propre vie, toute � cet amour maternel rendu d�vorant par la perte. Face � cette pasionaria, Matteo para�t d�muni avec son silence pudique d�homme meurtri, ses errances dans les nuits grises napolitaines pour tenter d�oublier sa peine. Il va reprendre espoir lorsqu�il entrevoit au hasard de rencontres improbables la possibilit� d�enfin accomplir la demande de sa femme : ramener leur fils du n�ant.
� Ce qui est �crit ici est vivant l�-bas �
Derni�re phrase de la derni�re page, on appr�cie encore le sens des jolis mots que Gaud� a toujours poss�d� en plus de son don de conteur. On aime ce livre dont comme dans l�En�ide, la descente aux Enfers constitue le pivot. Toujours le mythe. Ici ce n�est pas En�e
qui descend chez Had�s chercher le p�re, mais le p�re qui va chercher le fils, comme Orph�e tenta de ramener Eurydice. De cet �pisode particuli�rement romanesque, on retient surtout la vision tr�s personnelle de l�auteur, pour qui les morts restent en vie tant
que les vivants pensent � eux, tandis que la mort s�insinue dans la chair des vivants d�s qu�ils sont confront�s � la disparition d�un �tre cher. A travers ce r�cit prenant, Laurent Gaud� brasse tout � la fois la question difficile de la perte d�un enfant, l�appr�hension du deuil, la douleur de ceux qui restent, et les relations filiales, tout en renouant avec les mythes, un moment o� les fronti�res entre hommes et dieux �taient bien moins infranchissables. Profond�ment contemporain malgr� son enracinement mythologique, ce roman foisonnant rend inoubliables les voix de la famille de Nittis dont l��cho intime raisonne longtemps. Ma�a Gabily
+ Lire la chronique du Soleil des Scorta
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