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� l�Est, du nouveau
| | Mill�naire � Belgrade Vladimir Pistalo Ph�bus
| Prix éditeur 20.00 euros
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� chaque rentr�e litt�raire, sa tendance, sa probl�matique, son th�me fort que l�on s�efforce de d�gager. La richesse de la litt�rature en provenance d�Europe de l�Est aura marqu� l�ann�e 2008. Qu�il s�agisse du Soldat et le gramophone de Sasa Stanisic ou encore du Minist�re de la douleur de Dubravka Ugresic, ces voix apportent un ton nouveau, entre fiction et enqu�te historique. Parmi eux, Vladimir Pistalo n�est pas le moins m�ritant.
Il �tait une fois une ville o� soufflait un vent de libert�, o� les populations d�origines diverses se c�toyaient, cohabitaient et voisinaient dans un respect relativement r�ciproque. Cette ville s�appelle Belgrade. C��tait il y a trente ans � peine. Tito �tait mort et la cr�ativit�, si ce n�est encourag�e, du moins non censur�e, battait son plein dans une soci�t� d�barrass�e du carcan de l�id�ologie communiste requ�rant de toute activit� qu�elle soit constructive avant tout. Depuis, une guerre a d�chir� cette r�gion, bris� des vies, des familles et des amiti�s, et dessin� de nouvelles fronti�res.
Comme si un recul �tait indispensable � l�analyse et � la r�flexion (bien qu�il soit paru initialement en 2000, sa traduction fran�aise ne nous parvient qu�aujourd�hui), Pistalo a pris le temps et le pr�texte du passage au XXI� si�cle pour apporter sa pierre romanesque aux t�moignages et tentatives d�explications de ces guerres de Yougoslavie � la fois si proches et cependant encore largement obscures.
� Ceci n�est pas un journal. C�est un roman sur des personnages qui, pour moi, �taient Belgrade. C�est un roman sur un changement que je craignais car j��tais incapable de le percevoir dans sa totalit�. � Lui, c�est Milane Djordj�vitch. Devenu historien, il entreprend ce travail d�excavation, de reconstitution et de t�moignage sur les m�tamorphoses de Belgrade et de la Yougoslavie depuis ses origines. Il ne dit pas s�il est un adepte de la micro-histoire. Toujours est-il que c�est en �tudiant les trajectoires individuelles de ses diff�rents amis qu�il va s�y atteler plut�t qu�en �tudiant les ph�nom�nes de masses. Un choix judicieux car les petits probl�mes auxquels se trouvent confront�s ces jeunes gens r�sonnent en �cho aux grands probl�mes du pays. Ban�, le jeune chanteur-musicien d�un groupe de rock r�pondant � entre autres, au nom des Pens�es photog�niques - Irina, jeune beaut� un peu perdue, Zora, philosophe en devenir originaire de Bosnie, ou encore Boris. D�origine et d�horizon diff�rentes, ils incarnent on ne peut mieux ce qui fait � la fois la richesse, les contradictions et les tensions de cette mosa�que g�ographique qui peine � se d�faire de sa dimension de poudri�re. Ils se ressemblent dans leurs passions et leurs centres d�int�r�t. Ils s�assemblent comme nombre d�adolescents de leur �ge. Mais il est des zones g�ographiques et politiques o� le nationalisme peut avoir raison des amiti�s les plus fortes�
� Nulle part au monde il n�est permis de devenir, seulement d��tre �
Tragique constat de l�impossibilit� d�un r�el avenir pour une jeunesse balkanis�e.
Dans ce balancement permanent entre le rappel du pass� historique riche de ce carrefour des civilisations semblant avoir toujours exist� et la possibilit� d�un avenir, non pas inexistante mais assez floue, Vladimir Pistalo d�veloppe le parcours de ce groupe d�amis.
Si l�insouciance est exclue, l�espoir demeure n�anmoins possible. C�est d�ailleurs ce souffle qui fait la force de Mill�naire � Belgrade . Si ce roman se veut tentative de reconstitution et d�explication historique (le r�cit se fait parfois � rebours, entrecoup� d�incursions lyriques sur les l�gendes de la cr�ation de la ville), il est aussi celui d�une formation, difficile. Pistalo questionne ainsi la possibilit� d��tre au monde et de s�affirmer en tant qu�individu dans une soci�t� aussi contrainte et tiraill�e. Certains s�accomplissent dans leur passion, d�autres trafiquent, d�autres encore s�exilent de l�autre c�t� de l�Atlantique, en qu�te d�un monde nouveau. L��vidence des racines ressurgit n�anmoins toujours et le nationalisme semble avoir raison des amiti�s les plus fortes.
Evitant toujours les �cueils de la pesanteur et de la noirceur impos�s par un tel sujet, Pistalo parvient � insuffler un vent d�optimisme. Certes le passage � l�an 2000 ne peut �tre aussi festif � Belgrade, o� le cercle infernal des conqu�tes, des invasions et des dictatures semble inalt�rable. Mais il laisse penser que tout peut se jouer � un niveau individuel, dans en effort de compr�hension r�ciproque. Ainsi Milane, d�abord attir� par l�histoire dans sa dimension la plus introspective, s�ouvre-t-il de plus en plus � ce qui l�entoure. Or, la compr�hension est peut-�tre le premier signe de tol�rance, le premier pas vers les autres� En la mati�re, la m�thode de la recherche historique. Est indispensable. Mais il se pourrait bien que la litt�rature ait le dernier mot. Laurence Bourgeon
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