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Lames d'un po�te
 | | Lames Philippe S. Hadengue Maren Sell
     | Prix éditeur 18.00 euros
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En bon po�te qui se respecte, Philippe Hadengue a truff�
son texte de petites trouvailles linguistiques et de v�ritables
ing�niosit�s litt�raires. Un roman tout en finesse...
All�gorique � souhait, bourr� d�assonances, d'allit�rations et de
n�ologismes, irr�el et romantique� Lames poss�de
l�aura des plus grands romans classiques � de ceux qu�on
�tudie ensuite � l��cole, pendant des si�cles, et qu�on relit avec
plaisir de g�n�ration en g�n�ration. La double sonorit� du titre,
le soin dans l�esth�tique, l�intelligence du propos et l�effort
consid�rable qu�a d� repr�senter le processus de r�daction�
L�ouvrage tout entier semble le r�sultat d�un v�ritable travail
d�orf�vre, � une �poque o� les romans r�dig�s d�une traite
semblent, parfois, partir un peu trop vite chez l�imprimeur.
Philippe Hadengue, qui avait re�u le Prix du Livre Inter en 1989
pour son roman Petite chronique des gens de la nuit dans un
port de l�Atlantique Nord, ma�trise parfaitement la po�sie et
les jeux de langues : souvent, on relit certaines phrases par
deux fois, pour mieux se laisser impr�gner des petites
particules du style d��criture, que l�on aurait pu laisser de c�t�.
D�une trame pour le moins ordinaire � la liaison naissante entre
un homme et une femme �, l��crivain-po�te semble extraire un
nectar, et imposer des �vidences, dans un itin�raire d�licat et
po�tique, jamais opaque. Pass� ma�tre dans l�art du conte,
Hadengue tisse une toile immat�rielle et logique, pleine de
sensations et d�impr�vus� Quand Mathieu rencontre � la jeune
femme �, aux abords d�un casino, il ne sait pas qu�un entretien
sensible et douloureux est sur le point de s�installer. Et dans
cette s�duction du face � face, le roman finit par se construire
sur le mode de la confession, du duo, du dialogue. La jeune
femme est une oreille douce et r�ceptive, et Mathieu livre tr�s
vite l�histoire intime de sa famille� Bient�t, une atmosph�re de
libert� commence � se r�pandre ; les mots se l�chent, les
langues se lient et se d�lient tr�s facilement. Quant aux lames
que s��changent continuellement les amoureux� ce ne sont
bien s�r que des regards. Intenses, profonds, charg�s de
myst�res.
Lames et or
C�est en fait dans un double niveau de lecture que se situe le
principal talent de ces Lames ac�r�es : on peut y voir, en
effet, une superposition entre les mots des protagonistes,
personnages immat�riels par excellence, et ceux du po�te, qui
joue lui-m�me sur le langage. Fier et libre, Hadengue fait fi des
conventions grammaticales et s�en va imposer des points
d�exclamation et d�interrogation l� o� on ne les attend pas.
Espi�gle mais jamais pr�tentieux, notre po�te accole des
adjectifs � la cha�ne, sans jamais alourdir ses phrases et, par l�
m�me, ses intentions. Dans cet univers du jeu, un
rapprochement s�impose alors : le choix du casino, en tant que
lieu de rencontre de nos deux �mes, est-il fortuit ?
En se d�lectant des sonorit�s, des jeux de miroir, des
rapprochements linguistiques et des mots rares � on se
surprend, soit dit en passant, � relever une bonne vingtaine de
mots compl�tement inconnus -, on lit tout le perfectionnisme
d�un litt�rateur qui nage parmi les mots et qui fait sienne la
langue qu�il emploie. A travers une histoire qui peut se montrer
bien sombre, par moments, Hadengue sait toujours comment
d�busquer le terme juste, le verbe ad�quat, la p�pite d�or dans
la constellation po�tique. En d�finitive, on est ravi d�assister � un
tel spectacle de talent, et on l�aura compris : les �uvres de
po�sie ne se r�sument pas. Elles se consument apr�s lecture,
et il n�en reste que des effluves. Julien Canaux
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