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Noeud de vip�res
| | L� o� vous ne serez pas Horacio Castellanos Moya Les Allusifs
| Prix éditeur 22.00 euros
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Apr�s un Bal des vip�res rondement men� et remarqu� lors de la derni�re rentr�e litt�raire, Horacio Castellanos Moya revient avec un roman o� les masculins dominent, � d�faut de
l�emporter, dans une Am�rique centrale tortur�e et tortueuse.
Alberto Arag�n nage en pleine d�cadence. Au cr�puscule de sa vie, il
�choue, seul, dans une sombre chambre de Mexico o� l�ont recueilli sa
vieille femme de m�nage Blanca et une jeune femme r�pondant au
comique et anachronique sobriquet de l�Infante. Lui qui a pourtant
�t�, furtivement, ambassadeur au Salvador n�a plus pour luxe qu�une
fid�le timbale rouge, pr�cieux r�ceptacle que ses gardes-malade
emplissent r�guli�rement de boissons plus ou moins alcoolis�es,
seules substances qu�il consent encore � ing�rer.
Comment et pourquoi donc est-il arriv� � Mexico ? Bien malin celui
qui saura d�crypter avec pr�cision le parcours de cet homme qui a
longtemps d�fendu des convictions r�volutionnaires au c�t� de la
gu�rilla avant de rejoindre le pouvoir exerc� par la junte militaire
en tant que diplomate. Pas �tonnant qu�il se sente traqu�, percevant
derri�re chaque individu patibulaire, chaque inconnu qui le d�visage
un peu plus que de coutume, un espion qui en voudrait � sa vie � sa
voiture et tous ses biens ont d�ailleurs �t� myst�rieusement d�rob�s.
Revenir � Mexico, c�est pourtant renouer avec certains fant�mes du
pass�, affronter l�ineffa�able image d�un p�re aux engagements
familiaux et politiques irr�prochables, et cette jeune femme, cette
Infante qu�il ne peut s�emp�cher d�humilier et de brimer, dont il ne
peut en r�alit� pas se passer. Un poids bien lourd que son �ge et son
�tat de sant� ne sauraient �quilibrer. Ravivant les souvenirs au
cours de quelques rencontres opportunes, parviendra-t-il � introduire
quelque lumi�re dans son pass� ? Rien n�est moins s�r. Pour nous,
simples lecteurs, une deuxi�me partie �tait bien n�cessaire �
l��mergence d�un semblant de limpidit�.
Si on le cherche�
C�est donc Pepe Pindonga, d�tective priv� r�cemment autoproclamm�
en mal d�enqu�tes, qui s�efforce de d�m�ler l��cheveau d�une mort qui
semble pourtant �tre l��v�nement le moins suspect de toute la vie
d�Alberto Arag�n. Et ce � la demande d�un myst�rieux meilleur ami
�trangement soucieux d��claircir cette disparition. Changement de
voix et changement de rythme donc, mais pas vraiment de mode de vie.
Car l�enqu�teur et son sujet partagent une m�me passion pour les
femmes et l�alcool. Motiv� tant par l�avancement de son enqu�te que
par les potentielles rencontres (f�minines) qu�elle peut lui
apporter, Pepe Pindonga recoupe les t�moignages, intrigue, voyage �
Mexico et conclut. T�l�scopages et digressions s�accumulent dans
cette investigation aussi polici�re que vaudevillesque. Car lorsque
Castellanos Moya confie la narration � l�un de ses personnages, c�est
enti�rement qu�il la lui d�l�gue. Rien n�est donc �pargn� au lecteur
en terme d�atermoiements, de doutes et d�obsessions. En t�moignent
ces phrases qui �pousent les flux de conscience d�un narrateur en
pleine qu�te, s�apaisant au fur et � mesure qu�il en d�couvre
davantage sur lui-m�me.
Tout est chaos
Certes, l�arri�re-plan historique est omnipr�sent et mieux vaut �tre
un petit peu renseign� sur l��volution politique de cette r�gion
d�Am�rique centrale pour se rep�rer dans les va-et-vient, compromis
et diverses tractations auxquels s�est livr� Alberto Arag�n. Mais
Castellanos Moya poss�de un r�el sens du rythme et un talent de
portraitiste aussi humaniste que caricaturiste. Et il en faut pour
tirer du chaos politique salvadorien une �nergie, aussi d�sesp�r�e
soit-elle, qui anime une r�jouissante galerie de personnages. Si l�on
croit parfois voir d�filer les s�quences d�un invraisemblable film
maffieux � quels meilleurs surnoms que Perez le d�soss�, Pompon,
l�Infante ou encore Jeremy Irons ? � c�est bien la fragilit� humaine
qui appara�t en n�gatif : la culpabilit�, les remords, les
faiblesses et surtout l�importance de la fid�lit� et de l�engagement.
A l�image de l�instabilit� de ceux qui les dirigent, les personnages
tat�nnent, � grand renfort de virilit�, sur les sillons de leur
existence. C�est bien ce qui justifie la dimension chaotique de cette
lecture sans cesse remuante, souvent � bout de souffle, mais toujours
ma�tris�e. Car en d�pit de la d�liquescence ambiante, une �nergie et
une verve se d�gagent de ce texte, � tel point qu�on a l�impression
d�entendre penser les personnages et que l�on n�a qu�une h�te :
�couter parler leur auteur.
Si c�est un livre excessif par bien des abords, c�est que la demi-
mesure ne saurait �tre tol�r�e quand les manipulations de quelques
uns sont responsables du d�sespoir de tous les autres. Il faut
parfois apprendre � d�border pour �tablir des r�sonances �trangement
actuelles� Laurence Bourgeon
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