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Biographie de l'ennui
 | | Antibiographie Wojciech Kuczok L'Olivier
     | Prix éditeur 20.00 euros
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En exposant les turbulences d�une famille polonaise
d�charn�e, Kuczok signe un r�cit de l�entre-deux, sur la n�gation de l�amour et de la vie� A travers les yeux d�un enfant.
La Pologne, territoire litt�raire m�connu ? Avec cette Antibiographie de Wojciech Kuczok, on commence � en d�limiter nettement les contours. Fort de son exp�rience de po�te, sc�nariste et novelliste, l�auteur au nom impronon�able �rige une �uvre ambigu�, au carrefour des genres et des identit�s� Si bien qu�on ne sait jamais vraiment dans quoi l�on se trouve � serait-ce, finalement, une biographie m�tin�e de fiction ? Un roman de la
banalit� du quotidien et de la fadeur des �tres, dans un contexte difficile d�apr�s-guerre? Dans cette famille polonaise, les �mes sont aussi perdues que tortur�es, et l�amour se cherche vraiment au d�tour des pages. Sorte de r�cit sur la violence ordinaire, Antibiographie semble ne vouloir se d�finir dans aucune tranche de la litt�rature : le lecteur ne fait finalement qu�assister � la lourdeur d�une vie bafou�e, celle du jeune narrateur, qui souffre des coups de son p�re et de l�indiff�rence n�faste de sa m�re. Intemporelle mais bien ancr�e dans le r�el, l��uvre toute enti�re nous passe en permanence de l�humour noir � la douche froide. Et quelque part dans tout �a, entre les extr�mes, on se dit que l�auteur ne l�sine d�cid�ment pas sur le gris.
Longtemps, je me suis couch� de bonne heure�
Puis on finit par comprendre que ce premier roman, qui fait � premi�re vue l��loge de la froideur, occupe une certaine fonction : celle de croquer la soci�t� polonaise telle qu�elle pouvait �tre v�cue dans la r�gion de la Sil�sie, avec ses mineurs et ses vies d�senchant�es. Dans cet univers pessimiste, le jeune narrateur est per�u par ses proches comme un privil�gi� : car lui n�a pas connu la guerre, et son p�re, le vieux K., n�a de cesse de le lui rappeler � travers l�administration de franches corrections. Kuczok entreprend alors de brosser une fresque familiale complexe, dot�e d�une v�ritable histoire, dense et pleine de sous-entendus� Le livre tout entier se pr�sente d�ailleurs lui -m�me comme le d�roulement d�un �v�nement tr�s particulier, mais qui ne semble jamais arriver : les titres des trois parties, � avant �, � pendant � et � apr�s �, en forment l��volution. Cet apr�s �tant, si l'on a bien compris, la vie adulte du narrateur�
Mais les contours temporels sont flous, comme ce protagoniste qui restera anonyme jusqu'� la fin. Bien �videmment, l�influence proustienne est omnipr�sente : que ce soit dans les �lucubrations de ce jeune narrateur, mature et anonyme, ou dans cette phrase culte qui revient par deux fois : � Longtemps, je me suis couch� de bonne heure �. Dans la description des odeurs, aussi � et pour cela, on rappellera que le titre original du roman, Gnoj, signifie Le Fumier. Comme Proust, Kuczok aurait-il une affection pour la m�moire involontaire ? A l�image d� A la recherche du temps perdu, on restera cependant sur l�id�e que cette Antibiographie est double, duelle : � la fois charg�e de profondeur et saupoudr�e d�ennui. Julien Canaux
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