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Entre deux eaux
 | | L'enfant d'octobre Philippe Besson Grasset
     | Prix éditeur 14.00 euros
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Christine V. sort du purgatoire apr�s vingt ans maudits. Ogresse ou victime, Philippe Besson a choisi le camp de la m�re, parmi les m�andres. Factuel, forc�ment factuel.
Avril 2001. � La cour d'appel de Dijon confirme la d�cision de non-lieu � l'encontre de Christine Villemin �. Epilogue d�un myst�re ? L�analyse du demi-timbre d�un des lettres du corbeau permettra au moins d�allonger le d�lai de prescription du crime jusqu�en 2011. Le meurtre du petit Gr�gory, la Vologne, Christine Villemin, Bernard Laroche� Unit� de lieu, de temps et d�action pour ce classique du drame. Certains d�tails glacent encore : le bonnet retourn� sur les yeux, les mains li�es, l�assassinat de Bernard Laroche, les haines recuites d�une province o� la mis�re intellectuelle dispute � l�ennui et � la vanit�. Et le froid, surtout le froid d�octobre qui enserre le petit corps que l�on imagine les l�vres ferm�es, bleut�es par l�hypothermie. Pas difficile dans ces conditions de transir le lecteur, rien que l��vocation du pr�nom Gr�gory glace les sangs.
Philippe Besson a donc travaill� sobrement : peu d�affect, peu de description, supputations limit�es au strict minimum. Des faits, des faits, encore des faits. Enfin un chapitre sur deux, quand l�auteur choisit l�option � safe � de d�rouler la chronologie dite et redite du meurtre et de la mythologie qu�il a engendr�. Le probl�me, c�est les italiques, le � je �, le stylo rentr� au forceps � l�int�rieur de Christine Villemin dans l�autre chapitre. Le probl�me c�est de violer l�intimit� de plein droit �tout �crivain peut le faire- sans se l�accaparer. Le probl�me c�est d��crire une horreur banale alors que notre inconscient collectif l�exige immense et insondable. Duras n�en a pas eu peur le 17 juillet 1985 : elle a serr� le petit Gr�gory � bras le corps. Mais puisque tout le monde cherchait l�assassin � l��poque, nous retiendrons juste qu�elle s�est tromp�e.
La passion de Christine
L�enfant d�octobre reste un cran en dessous dans l�appropriation, Besson se pr�occupant trop de la v�rit�. Peut-�tre l��crivain a-t-il eu peur dans son entreprise de r�habilitation, peur de trahir, peur de mal faire, peur de rendre des comptes ? Comment penser autrement, la personnalit� de la m�re �crase par sa complexit� toute l�affaire, cristallise tous les fantasmes, agace les plumes, d�vide les haines. Elle qu�on accuse d�avoir un nouvel enfant pour mieux enterrer le petit cadavre du pr�c�dent, qu�on accuse de sourire, de trop bien accuser le choc.
Philippe Besson statufie Christine Villemin en une mater dolorosa, � l�extr�me oppos� des haillons de m�re toxique et assassine que lui avaient fait port� l�inconscient collectif jusqu�alors. Il aplanit, repasse les plis de ces oripeaux, et la drape de frais.
Nouvelle ic�ne : Vierge Christine, la m�re universelle. Philippe Besson ne doute pas, lui : les vingt ann�es doivent �tre enterr�es. La subjectivit� de l��crivain ne serait-elle pas aussi valable et p�remptoire que l�objectivit� de la justice, finalement ? L�intime conviction n�est pas autre chose. Dans la balance des �mes, la plume de Besson vaut bien le plomb de la rumeur. Laurent Simon
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