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L'apr�s m�re
| | Table rase Jean-Baptiste Gendarme Gallimard
| Prix éditeur 16.00 euros
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A travers les figures de deux fr�res trentenaires, � l�adolescence heurt�e par la mort, Jean-Baptiste Gendarme dresse avec finesse le portrait d�une certaine g�n�ration, d�senchant�e
15 f�vrier 1990. Quelque part en France, sur une route enneig�e, une m�re perd la vie dans un accident de voiture. Respectivement �g�s de 15 et 11 ans, Adrien et Cyprien grandissent d�un coup. Sans transition, on les retrouvent 15 ans plus tard, chacun au carrefour d�une nouvelle voie existentielle. Cul de sac ou �tape n�cessaire ?
Errances
Justement remarqu� en 2005 pour son premier livre, Chambre sous oxyg�ne, laur�at de la bourse "jeune �crivain" de la fondation Lagard�re, Jean-Baptiste Gendarme franchit avec panache l��preuve du second roman, confirmant son talent de portraitiste aux traits fins et subtils. Cette fois encore, son pinceau glisse sur les intimit�s bless�es et les apparences trompeuses, � la mani�re d�une esquisse aux profondeurs insoup�onn�es.
Lorsqu�on recroise Adrien, il vient d��tre intern� en h�pital psychiatrique pour d�pression. Quant � Cyprien, il revient pour la premi�re fois sur les lieux du drame de son enfance, pr�texte � une longue r�miniscence de ses amours pass�es : un moyen commode de ne pas se confronter � l�inconnu de son pr�sent sentimental. De plans serr�s sur les deux fr�res, la cam�ra s��largit r�guli�rement pour venir scruter les visages de personnages crois�s �a et l�, sans logique apparente. Chacune de ces d�viations sont autant d�occasions de d�crire les turpitudes de la foule sentimentale que nous sommes, simple constat n�appelant aucune conclusion, et surtout pas facile. Ici on ne sanctionne pas, on se contente de donner � voir sans jamais interpr�ter.
D�passements
Table rase est surtout frappant par sa mani�re de ne pas parler frontalement de la m�re disparue : Adrien et Cyprien sont les produits de sa mort brutale, assumant diff�remment le vide laiss� par cette disparition. Le roman les prend en un instant pr�cis de leur existence, on apprendra le reste de fa�on disparate, souvenirs plus ou moins marquants, moments cl�s d�un pass� pas toujours bien dig�r�.
Qu�il soit question d�amour ou de mal-�tre, l�humour vient r�guli�rement mettre � distance le pathos qui aurait pu impr�gner le propos, colorant le ton du livre d�une douce amertume : � Adrien avait traqu� les signes annonciateurs du d�clin amoureux. D�abord M�lanie avait voulu un chat, puis elle avait relu les romans d�Alexandre Jardin. Adrien comprenait que son couple se mourrait.�
Composant par touches suggestives, Jean-Baptiste Gendarme n�appuie jamais le trait, fr�le les ab�mes se cachant derri�re un sourire, �voque sans lourdeur ce que la mort peut g�n�rer d�errances et de
perte pour ceux qui la subissent sans y avoir �t� pr�par�s.
On ne saura pas ce que deviennent les deux fr�res, et cela ne nous manquera �tonnamment pas. La richesse de l��criture suffit � prouver la force d�un roman, tout en sous-entendus, des questionnements oblig�s face � soi-m�me, de la n�cessit� de surmonter enfin le deuil, de l�id�e, peut-�tre, de franchir les impasses du d�sir en se laissant vivre, tout simplement. Ma�a Gabily
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