Chien d'hiver Alistair Mac Leod Editions de l'Olivier

Prix éditeur 22.00 euros

En seize nouvelles compos�es tout au long de sa vie, Alistair Mac Leod propose autant de variations autour de la filiation, de l��migration et du tiraillement entre fid�lit� �
la tradition et appel de la modernit�.

� l�entr�e du fleuve Saint-Laurent, le Cap-Breton a beau �tre reli� au Canada par une route, il n�en demeure pas moins une �le. Avant tout attir�s par les mines dont les ressources qu�ils exploitent leur garantissent le minimum d�cent pour survivre, le caract�re insulaire de cette p�ninsule n�est certainement pas pour d�plaire aux �migr�s �cossais qui ont franchi l�Atlantique en qu�te d�une vie si ce n�est v�ritablement meilleure, du moins un peu plus assur�e. Premier pas vers une vie nouvelle, ce cap constitue une �tape et m�nage une transition en douceur entre arriv�e en terre inconnue et assimilation
� la civilisation nord am�ricaine.

Le vieil homme et la mer
Ce tiraillement entre respect des traditions et ouverture � la modernit�, doubl� d�une concurrence entre les cultures, agit comme le fil rouge de ce recueil. De prime abord, le sujet peut rebuter. Empreintes d�une nostalgie un peu pass�iste, les premi�res nouvelles
semblent surtout attach�es � glorifier les efforts et l�altruisme de ces p�res qui ont sacrifi� leur vie et leur sant� pour le salut de leurs familles. Entre insalubrit� des profondeurs mini�res et houle intempestive de la mer, mineurs et p�cheurs portent sur leur corps les
stigmates de leur labeur sacrificiel n�anmoins horizon de toute leur vie. Pendant que l��pouse fid�le s��vertue � maintenir propre le logis et pleines les bouches de sa petite famille, les enfants, cette deuxi�me g�n�ration, �tudient. Et c�est souvent par l� que le b�t
blesse car bien que berc�es par la nature, la proximit� du continent am�ricain aidant, les aspirations des plus jeunes vont doucement mais s�rement diverger de la voie offerte par la simple rel�ve de activit�s familiales.

� Un temps pour tout �
Ainsi, la vision quelque peu aust�re et convenue de la famille unie et mononucl�aire s��tiole progressivement. Surgissent alors d�in�vitables secrets de familles et des tensions d�une complexit� qui d�mythifie peu � peu ces parents pour les rendre avant tout humains, faibles et tortur�s � leurs heures. Ce qui permet aux jeunes g�n�rations de voir
dans leurs aspirations plus qu�une r�bellion adolescente, unev�ritable �volution, voire m�me une adaptation vitale pour la perp�tuation de leurs racines. Car pass� le premier coup de t�te (fugue�), c�est bien � leurs racines et � leurs p�res que ces jeunes reviennent
toujours avec un certain respect. Mais comment faire comprendre � ces a�n�s que rupture n�est pas trahison ? Comment faire accepter � ceux qui ont tout sacrifi� pour leurs proches que leur souhait le plus ardent est de mettre un terme � ce mode de vie et tenter l�aventure pour �tudier au milieu des livres ou adopter un mode de vie plus mat�rialiste ?

Rien ne se perd, tout se transforme
Le d�gagement(titre aussi de la derni�re nouvelle) n�est pas syst�matique. Certains, confront�s au m�me dilemme, font le choix de s�immerger aussi longtemps que possible dans cette nature qui a baign� et rythm� leur enfance, trouvant dans sa faune, plus ou moins
domestique, compagnons de fortune et oreilles fraternelles. Dans tous les cas, ils conservent une certaine droiture d�esprit, conscience de leurs racines, et rigueur dans ce qu�ils entreprennent. Jamais de reniement ni d�aigreur par rapport � leur �duction ou � leur mode de vie pass�. Plut�t une reconnaissance. Transmission et filiation d�passent ainsi le simple mim�tisme des activit�s et reproduction � l�identique des modes de vie. N�en d�plaise aux irr�ductibles du ga�lique, lorsque celui-ci ne constitue plus qu�un r�sidu folklorique dont le seul attrait pour les profanes r�side dans sa potentialit� � animer les foires locales par des chants celtiques tronqu�s, peut-�tre est-il pr�f�rable de le ranger au rang de dignes souvenirs.

C�est bien ce qui affleure au fil du recueil que Mac Leod anime d�une v�ritable progression. Quittant peu � peu le registre de la chronique sociale, toujours avec sensibilit�, stimul� par la pr�gnance de la nature, il penche vers la narration de destins qui rev�tent un caract�re l�gendaire. De quoi perp�tuer l�hommage au corpus de l�gendes qui ont accompagn� sa vie, au m�me titre que les contes ou lecture des classiques, en l�enrichissant par sa propre prose.

Laurence Bourgeon