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Dialogue avec les enfants
| | Dialogue avec les enfants sur la vie et la mort Daniel Oppenheim Seuil
| Prix éditeur 14.48 euros
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La parole panse les plaies du chemin des vivants.
Il est ardu d'�crire sur du vrai.
Prenez un roman : on le d�cortique, s'enflamme sur ses terrains en jach�re de l'imagination et de l'onirique profitant de ses vagues pour reconstruire notre propre vie. Au contraire, le livre d'Oppenheim est une �uvre psychologique dont les accents brisants de la vie ont du roman ces pointes d'intensit� �motionnelle et de l'analyse scientifique un certain go�t de la rigueur.
Les enfants, ces t�moins d'un autre �ge se pr�tent mieux que quiconque aux petits jeux meurtrissants des dialogues sur la vie et la mort. Parce qu'ils voient la vie comme sans fin et sans limite. Parce que d'un autre c�t�, ils ont le don gracieux de la non banalit� et la propension facile � la r�volte. Parce qu'un enfant ne trouve rien tout � fait " normal " et ne s'enferme pas dans ces monstres de r�signation propres aux palais conformistes des adultes. L'enfant questionne et croit savoir. L'adulte impose et se d�die pour peu qu'un qu'en dira-t-on bien inspir� lui ait fait le coup de la M�re Michel. C'est l'enfant qui est le philosophe authentique et non le contraire.
Cela, Oppenheim l'a compris et int�gr� avec une finesse et une �l�gance rares. Le style toujours sobre et ma�tris� ne sombre jamais dans l'�sot�risme pompeux. En ce sens, Dialogues avec les enfants sur la vie et la mort nous parle avec des senteurs adolescentes dont la douleur m�me n'enl�ve rien � la fra�cheur. Ces gosses ne transigent pas. Le pays des masques est loin, de ceux qui jouent pour mieux tricher le jeu minable des compromissions, ceux qui asticotent les plaines bleues du grand sentimental de leurs petits egos mesquins. Les gosses sont l�, livr�s � leur t�moignage, ils sont. Et la mort les effleure pour les d�florer sauvagement. Ils la voient � chaque instant, la dissimulent derri�re des contes du temps jadis, l'espionnent espi�gles qu'ils sont avec l'�vanescente sensation de la laisser ainsi filer. Et Vlan, qu'on ne la revoie plus cette satan�e sorci�re avec sa cohorte de n�ant !
Pourtant elle est pr�sente, les obs�de jusqu'� les faire c�der. Et dans ce petit monde o� la tristesse fait foi, Daniel Oppenheim navigue entre d�licatesse et v�rit� afin de tirer de ses rencontres, de ses discussions une complicit� exceptionnelle que son �tude traduit. Overdoses, suicides, perte d'un �tre cher, Dialogues fait un inventaire de ces moments d'absence ou de dilution que la vie m�me impose � eux. Eux ces jeunes �tres encore neufs, pleins de leurs rires et de leurs lignes de faille, persuad�s qu'un jour de cette vie le temps viendra o� il faudra se s�parer pour toujours de ces gens qu'ils aiment � la folie, persuad�s qu'ils perdront totalement ces aires l�g�res o� soudain la l�g�ret� se mue. Insoutenable.
Et les parents dans tous �a ! Ils sont ind�niablement les acteurs, �coutent et s'efforcent souvent maladroitement de rassurer. Ils liront Oppenheim avec d'autant plus de plaisir qu'il sait parler d'eux. Ils les scrute avec d�lice pour mieux les apprivoiser et leur donne des solutions. Bien entendu, elles ne sont sans doute pas les seules et ne tr�nent pas sur le pi�destal du savoir avec la pr�tention de l'uniformit� car le narrateur analyste manie avec dext�rit� l'art de la nuance et du mall�able conseil. Une dext�rit� telle que cette �uvre de psychanalyste ne tombe jamais dans le clinique. C'est les sentiments et la sensation de communication forte qui font de cet ouvrage un journal de bord pour parents et enfants. Mort bide jamais, Dialogues, authentique recueil de vie m�rite le succ�s et notre lucidit� �carquill�e et laudative.
Et d'oublier qu'un jour, nous serons des adultes tristes comme la mort. Céline Mas
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