Les fabuleuses aventures d�un Indien malchanceux qui devint milliardaire Vikas Swarup Belfond

Prix éditeur 21.00 euros

Comment un modeste serveur, pourrait-il parvenir � remporter la plus grosse somme jamais gagn�e sur un plateau de jeu t�l� ? En d�pit du bon sens, voici un conte de f�e des temps modernes version Bollywood. A suivre, une interview de l'auteur, pr�sent lui aussi aux Etonnants voyageurs.

Ram Mohammad Thomas. Une identit� multiculturelle au possible pour celui qui n�est qu�un modeste serveur, orphelin de surcro�t, livr� � lui-m�me d�s son plus jeune �ge. La marque d�une ouverture d�esprit qui est peut-�tre la clef de son succ�s. Car de la vie des rues aux coulisses des plateaux t�l�vis�s, notre jeune inconnu acc�de en une soir�e au statut de h�ros en r�pondant correctement aux douze questions assen�es par le Jean-Pierre Foucault local quelque peu d�contenanc�, pulv�risant ainsi tous les records de gains et �poustouflant les plus �rudits. Rien de plus louche et de plus rageant pour la production audiovisuelle que de se voir ainsi d�pouiller par un ing�nu a priori ignorant. Suspicieuse et quelque peu malhonn�te, elle tente de l�accuser de tricherie en vue d�invalider le r�sultat et de conserver le b�n�fice. C��tait sans compter sur l�intervention d�une avocate des causes perdues bien d�termin�e � percer le myst�re de Ram et � prouver son innocence.

Natural born winner ?
Comment et pourquoi Ram en est-il arriv� l� ? C�est aux c�t�s de cette femme, au rythme des douze questions de l��mission, que l�on d�couvre une autobiographie � rebours et quasi chronologique de ce nouveau prodige du petit �cran. Douze questions (plus une bonus�) tels douze travaux desquels il vient � bout non pas par une quelconque force hercul�enne mais simplement gr�ce � une g�n�rosit� naturelle, une d�brouillardise, une sensibilit� et une int�grit� � toute �preuve. Aux d�tours de ce r�cit aux aspects picaresques, l�on croise aussi bien une ex-diva de Bollywood battue par son amant, qu�un diplomate v�reux ou un trafiquant d�enfants sans scrupule. Autant d�emb�ches qui ont marqu� et constitu� un apprentissage de la vie empirique, bien loin des balises scolaires. Galerie de personnages un rien convenue, mais comme autant de gouttes d�eau venant alimenter le moulin de sa critique sous-jacente des in�galit�s qui, en Inde encore plus qu�ailleurs, sont criantes, souffrant des exc�s d�une mafia locale bien ancr�e et marqu�e par des tensions ethniques et religieuses encore sensibles.

Sous des abords certes na�fs, Vikas Swarup emprunte habilement au suspense policier pour b�tir une investigation sociale qui a le m�rite de titiller les pouvoirs en place et de malmener le politiquement correct tout en interrogeant les effets de la mondialisation dite culturelle. Visiblement au fait des ressorts du succ�s de la litt�rature, il m�le avec assurance tous les ingr�dients n�cessaires � la r�alisation d�un cocktail grand public r�ussi.
Il y a en a donc pour tous les go�ts : une grande histoire d�amour et d�amiti�, qui tire parfois vers le roman d�espionnage, men�e par un jeune Indien aux allures de Robin des bois des temps modernes, le tout m�tin� d�exotisme, sous l�aur�ole d�une des sept merveilles du monde : le Taj Mahal,. Et surtout de la morale et des bons sentiments !
Alors, quel est notre dernier mot, puisque tel est le leitmotiv de ce grand rendez-vous t�l�visuel auquel il est difficile d�avoir �chapp� ?
Les amateurs de romans de voyage en qu�te de r�elle illumination sur l�Inde n�y trouveront peut-�tre pas la perle rare. En revanche, si c�est un divertissement social, d�paysant et bien construit que vous recherchez, celui-ci m�rite de figurer en bonne place dans votre liste de lectures de l��t�.

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Vikas Swarup : "un parfum de Bollywood impr�gne tout le roman"

Zone - Votre roman a rencontr� un v�ritable succ�s public en Inde. Vous y attendiez-vous? Comment l�expliquez-vous ?

Vikas Swarup Lorsque je me suis mis � �crire ce livre, je ne pensais pas du tout qu�il plairait � des lecteurs aussi bien au Br�sil qu�� Barcelone, Seattle ou Sydney parce qu�il s�agit d�une histoire tr�s indienne. Mais bien s�r il tourne autour de � Qui veut gagner des millions ? �, qui constitue un ph�nom�ne global. Peut-�tre le fait que le fonctionnement de ce jeu soit connu dans tant de pays rend le livre particuli�rement accessible aux lecteurs. N�anmoins, m�me dans mes r�ves les plus fous je n�aurais pu imaginer qu�il livre serait traduit dans vingt-huit langues ! Le succ�s mondial de ce livre s�explique, j�imagine, par le fait que, bien qu�il se d�roule en Inde, les th�mes et �motions dont il traite sont universels et le message sous-jacent est valable pour toute communaut� ou culture, � savoir cr�er sa propre chance, l�opprim� surmontant ses d�mons et finissant par gagner !

Zone - Vos personnages font souvent r�f�rence aux films dits � Bollywood �. Dans sa structure et son contenu m�me, votre roman emprunte nombre d'�l�ments aux sc�narios du genre (saga, h�ros pauvres et pleins de r�ves parvenant � les r�aliser, histoires d'amour). Cet univers a-t-il �t� pour vous une source d'inspiration?�.

VS Oui, un parfum de Bollywood impr�gne tout le roman. Parce que les films hindi constituent une part de la culture populaire indienne � laquelle personne ne peut �chapper. On ne peut conceptualiser une matrice indienne sans se r�f�rer � Bollywood. Les films hindi les plus typiques ont traditionnellement �t� consid�r�s comme du divertissement, source d��vasion, ce qui en explique sans doute l�attrait qu�ils peuvent avoir pour les masses. Ils sont presque devenus une r�alit� alternative pour les pauvres. C�est ainsi que, tout au long du livre, des personnages opposent et alternent entre vie r�elle et vie virtuelle.

Zone - Vous avez beaucoup voyag� et r�sidez � pr�sent de nouveau en Inde. Avec ce recul, comment percevez-vous l'�volution de la soci�t� indienne? La galerie de personnages que vous cr�ez est en effet extr�mement in�galitaire. Etes-vous r�sign� face � cet �tat de fait ou bien notez-vous des am�liorations?

VS Lorsque l�on vit en Inde et � l��tranger, les perceptions changent quelque peu et l�on tend � tout comparer. Oui, il y a des �carts au sein de la soci�t� indienne, � la fois sociaux et �conomiques, mais ils s�amenuisent. Les nombreux programmes d� � affirmative action � entrepris par le gouvernement ont conduit � un d�pannage social de grande ampleur. Le pays fait de r�els progr�s. Le probl�me, tel que je le vois, est l�apathie. En atteste un passage du livre: lorsque Ram Mohammad Thomas aborde l�administrateur de son �chawl� (r�sidence partiellement communautaire), lui demandant d�intervenir avant que Shantaram ne fasse quelque chose d�affreux � sa femme et sa fille, on lui dit: : �Nous les Indiens avons cette sublime facult� de voir la souffrance et la mis�re autour de nous sans que cela nous affecte.� L�apathie peut r�ellement exister dans un pays d�un milliard d�habitants, mais l�on observe �galement des signes d�une incroyable compassion et solidarit�, � l�image de celle qui s�est d�velopp�e au moment de la catastrophe du tsunami en 2004. Je pense que si tous les Indiens commencent � penser et consid�rer leurs compatriotes plus n�cessiteux, nous changerons d�autant plus vite le visage de l�Inde.

Laurence Bourgeon