La ville orange Elizabeth Motsch Actes Sud

Prix éditeur 15.09 euros

Dans La ville orange, nous voil� install�s au rang des spectateurs des derni�res ann�es de la jeunesse bouillonnante d'une jeune femme en devenir, ancr�e dans la r�volution culturelle de son �poque - les fabuleuses et m�morables ann�es soixante. A quatorze ans, suite � une sanction disciplinaire, notre h�ro�ne int�gre le Coll�ge d'Enseignement G�n�ral des Batignolles, centre qui pr�pare ses �l�ves au concours d'institutrices. Mais pour la jeune fille, cette p�riode symbolise avant tout l'�mergence de l'amiti� fraternelle, des amours � la fois tendres et cruels. Un moment cl� de l'instauration des premi�res convictions de l'individu, parfois de ses d�ceptions et, au pinacle de toutes ces sensations, de la naissance d'une passion �ternelle pour Paris. Un Paris aujourd'hui disparu, ayant subi l'ascension irr�sistible du changement et de la modernit� technologique.

Peu � peu, cette existence tourment�e, cette image de "fille contre" renvoy�e par son entourage va se modifier, influenc�e par le r�le fondamental jou� par J�r�me, jeune moine �tudiant en psychologie, avec qui la narratrice d�veloppera une relation hors-norme.

A l'occasion de son deuxi�me roman, Elisabeth Motsch plonge ses lecteurs dans les souvenirs d'un "je" en proie � tous les doutes, � toutes les questions et �motions qui caract�risent ces fins si difficile � vivre de l'adolescence. Ce moment crucial, o� le tout un chacun se voit oblig� de donner aux autres et surtout � soi-m�me certaines r�ponses essentielles pour �tre capable d'avancer vers l'�ge adulte, est ici parfaitement retranscrit. La po�sie des diff�rents d�cors que c�toie l'h�ro�ne (le couvent de l'Arbresle � Lyon, la r�gion du Limousin, celle de l'Est ravag�e par la guerre r�cente), unie � son amour pour la capitale, s'harmonise dans les moindres d�tails aux personnages qui y sont attach�s. L'ensemble du roman est comme un long voile que la narratrice d�chirerait avec une certaine volupt� non d�nu�e de violence par pans, laissant apercevoir derri�re les successives trou�es ces t�moignages �mus et r�miniscents d'un �tre en pleine construction.

Le probl�me de ce genre d'�vocation en pointill�, tant sur le plan temporel que dans la narration des �v�nements, reste l'�ventualit� d'y perdre le lecteur et de perdre l'intensit� de son attention. Si certains personnages de La ville orange sont le lieu de d�bats intenses, si certaines rencontres d�crites participent activement � l'�laboration d'une trame romanesque � la solidit� plausible mais surtout rythm�e, quelques passages, in�gaux et d�sordonn�s, s'essoufflent. Ce labyrinthe de souvenirs est en effet loin d'�tre d�nu� d'int�r�t, m�me si on lui reprochera d'entraver le propos qui ne peuvent aller jusqu'au bout de leurs intentions : � force de vouloir traiter trop de th�mes simultan�ment, la narratrice finit par ne plus �tre en mesure de donner son histoire une unit� valable.

Qu'Elizabeth Motsch n'h�site pas � conf�rer � son h�ro�ne une envergure plus imposante via une structure moins hach�e, et le tour sera jou�. Tout en gardant cette l�g�ret� de voile et tout le soyeux qui le caract�rise, puisqu'effectivement, apr�s cette lecture, on se souviendra d'avoir pass� un moment agr�able, mais aussi, et surtout, sans pesanteur ni cons�quence, ce qui est �galement plaisant.

Ma�a Gabily