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� l'envers du chaos
| | Pluie et papier Vladimir Tasic Les allusifs
| Prix éditeur 21.00 euros
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Roman de la r�demption, Pluie et Papier, imagine la reconstruction apr�s le d�sastre yougoslave. Riche sans �tre compliqu�, l�ger mais pas na�f, malicieux et pas cynique. Formidable, en un mot.
Depuis trente ans, on la dit moribonde. Et pourtant, exprim�e par les votes et glorifi�e par de r�cents exploits en pelouse, la Nation ne cesse de se rappeler � notre souvenir. Rien de tel, pour �voquer un sujet si br�lant que de profiter d�une exp�rience r�elle et r�cente. Celle de l��clatement yougoslave, par exemple, dont Vladimir Tasic a fait la trame de sa derni�re oeuvre. Et plus qu�une trame, c�est un prisme, en r�alit�, � travers lequel l�auteur serbe install� au Canada nous montre six destins marqu�s par l�exil et le retour au pays. Une mise en garde s�impose imm�diatement : Pluie et papier ne tient pas de la fable nationalo-politique fa�on Max Gallo mais bien d�un grand roman, �crit par un �crivain que le hasard fit na�tre Serbe. L�appartenance identitaire, n�ud de l�intrigue, y est �voqu�e sans fantasmes, au fil de l�errance des six personnages, jeunes, contraints � vivre dans le souvenir d�une Yougoslavie jadis debout, et � revenir affronter Novi Sad, ville-trou aux ponts d�truits par la guerre.
Reconstructions
C�est incontestablement dans l�art d��parpiller que Tasic, probablement marqu� par l�exil, fait merveille. Un �parpillement d��migrant, pour qui � l�avenir ne cesse de venir et n�est donc jamais l� � quant au contraire � le pass� ne cesse de s�en aller �. Entre les deux, le pr�sent n�est plus qu�une suite de t�tonnements nostalgiques. Ceux de Georges, l�informaticien, Ielena, publicitaire et narratrice, Nestor et le couple d�amis que ces trois jeunes gens en exil retrouvent au pays. Tous ensemble, au milieu des marteaux-piqueurs achevant les d�bris d�une vie r�volue, ils �chafaudent le projet de se reb�tir une histoire en reconstruisant de toutes pi�ces leurs sensations pass�es.
On comprend alors pourquoi le livre est construit en dix chapitres d�croissants, du dixi�me au premier. On saisit �galement la grande pertinence du style, d�lice de digressions astucieuses et cultiv�es, qui, loin de faire perdre les fils, tissent au fur et � mesure les liens des retrouvailles. Retrouvailles d�existences en perdition avec une m�moire commune qui, voil� la cl� selon Tasic, redonne � ses six destins leur sens individuel. Cette volont� collective de d�passer le fatalisme de la destruction n�est en rien teint�e de nationalisme nostalgique. Et, en �largissant le probl�me yougoslave, on y verra presque une parabole impeccablement ma�tris�e sur une question br�lant la plume de tout �crivain aujourd�hui : quoi donc contre le chaos ? � l�inverse de tous ceux si prompts � plaider la guerre, Tasic, qui en a l�exp�rience, a d�cid� la paix et la reconstruction patiente. Il le fait avec fantaisie et intelligence. Grande d�couverte que cet auteur l�, dont on va ouvrir de ce pas le Cadeau d�adieu, son premier livre. Marc de Launay
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