H�ro�ne Ann Scott Flammarion

Prix éditeur 15.00 euros

Il est des romans qui vous creusent au plus profond, et qui vous �carquillent les yeux de force � mesure que vous tournez les pages� Avec H�ro�ne, Ann Scott fait m�me plus que �a : elle nous parle en t�te � t�te, dans la sph�re de l�intime.

Lorsqu��merge le tout premier roman, Asphyxie, Ann Scott nous laisse un peu sur notre faim� Malgr� d��videntes bonnes intentions. Mais l�on sent d�j� une plume, une griffe, et quand arrive Superstars, le second, tout devient clair : l�ex-musicienne et mannequin est devenue un �crivain, et un grand. La machine est lanc�e, et Ann Scott est instantan�ment sacr�e auteur culte, romanci�re star, de ceux dont on guette les apparitions t�l� et les derni�res news sur internet�
Superstars, c�est un peu le roman que tout �crivain r�verait d��crire, du moins dans l�esprit : car on y suit plus qu�une intrigue vraiment originale. On y sent une humeur, une mise � nu. On a beau se raccrocher � l�histoire, palpitante, on ne comprend pas ce qu�on ressent : une familiarit�, un d�j� vu, un d�j� v�cu. Plus qu�un � roman g�n�rationnel �, comme le veut l�expression qui s�est r�percut�e dans les critiques, Superstars parvient � relier le vraiment trash � la douceur la plus pure. Il r�concilie l'oral et l'�crit sur un m�me tableau. Projet�s dans l�univers de Louise, on oscille constamment entre d�sillusions amoureuses et profondes aspirations musicales. Presque par procuration, on se pla�t � suivre les aventures d�une h�ro�ne bringuebal�e entre ses amours f�minines et ses tergiversations personnelles� Sur fond d�addictions et de musique techno. Ann Scott, en somme, c�est un peu nous, tout simplement Ce qu�on aimerait crier, elle le hurle, et ce qu�on aurait aim� vivre... elle en est revenue depuis longtemps.

En t�te � t�te
Apr�s tant de succ�s, H�ro�ne �tait donc tr�s attendu en cette rentr�e litt�raire 2005� Certains annon�aient la suite de Superstars, mais les fans se sont tr�s vite retrouv�s face � une �uvre r�ellement originale, singuli�re, �crite � la seconde personne du singulier. Comme une confrontation, Ann Scott place sa nouvelle protagoniste dans la souffrance : replong�e dans son histoire pass�e avec Iris, notre h�ro�ne se voit tr�s vite rel�gu�e au second plan, expos�e � l�indiff�rence crasse de cette jeune paum�e qui la fait tourner en bourrique et qui ne lui conc�de que des miettes.
Notre h�ro�ne souffre en fait d�une addiction qu�on ne conna�t tous que trop bien �on en lisait d�j� des bribes dans Superstars- dans l�histoire qui liait Louise et la petite In�s. V�cue sous le mode unique de la d�pendance, la relation tourne tr�s vite au cauchemar et notre h�ro�ne perd tout bonnement la raison. Comment parvenir � se d�faire d�une personne qui nous fait tant de bien, apr�s tant d��checs sentimentaux ? Comment se dire qu�une histoire qui pourrait durer est jet�e aux ordures par cet Autre qu�on a pourtant dans la peau ? Comment accepter l'expression "tourner la page", quand tout nous rappelle l��tre perdu ? Autant de clich�s qui n�en seront finalement jamais, pour personne. Amoureux, on est sous h�ro�ne ; la moindre manifestation de l�autre repr�sente une forte dose.

Apr�s lecture de ce tr�s r�ussi cinqui�me roman, on avait tant de choses � dire � l�auteur� Et puis l�occasion se pr�sente, un soir d�automne, dans une librairie du Marais. Ann Scott a accept� de participer � une signature, � l�occasion de la sortie d�H�ro�ne. On attend ce moment depuis quelques ann�es, m�me si on ne sait pas trop pourquoi� On se retrouve donc l�, tout penaud face � celle qui a �crit une partie de notre propre vie, et on ne sait trop quoi lui dire. On s�approche timidement et on tend l'exemplaire lu et relu de Superstars, qu�on a amen� � d�faut d�H�ro�ne. On se sent m�me un peu con, entour� de toutes ses mains qui tiennent fi�rement l�exemplaire du dernier roman � succ�s. On fait un peu d�cal� dans l��vidence environnante. Ann Scott elle-m�me fait la remarque, ah bon il �tait aussi pourri que �a le dernier ? Les yeux se d�tournent, et on avoue que Superstars, c�est un peu comme une Bible que l�on relit de fa�on cyclique� c'est pour �a. On la regarde dans les yeux, on lui sourit, et la conversation se fait fluide, sinc�re. On n'y croit pas trop, � vrai dire, mais on est bien l�, en t�te � t�te. Face � ce regard si familier. Plus tard, de retour chez soi, on ose enfin ouvrir le bouquin. On parcourt ce message venu de loin, des sph�res de l'intime... Et on se dit qu'on a vraiment trouv� notre h�ro�ne.

Julien Canaux