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Tu perds ton sang froid
| | Chaque homme a la capacit� d'�tre un bourreau... Bernie Bonvoisin Scali
| Prix éditeur 16.00 euros
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Les charniers, les g�nocides, les viols� puis les club Med. La Yougoslavie est un cas parfait de m�moire s�lective. Bernie Bonvoisin, lui, se souvient.
Bernie Bonvoisin nous la joue staccato depuis longtemps. Les lyrics de Trust, sa filmo dialogu�e fa�on Thierry la Fronde (� Si tu deviens communiste, j�ai plus de fils �, dixit Lanoux dans les D�mons de J�sus), et maintenant la ponctuation kalachnikov de chaque homme a la capacit� d��tre un bourreau�, son deuxi�me roman.
Il faut dire que le th�me s�y pr�te : Srebrenica, juillet 1995, les casques bleus laissent tuer 7000 � ou 12 000 selon d�autres estimations � hommes musulmans par des tchetchniks serbes dirig�s par Ratko Mladic. Le tout � deux heures de Paris en low cost. On se contentera de dire que les d�tails du massacre font douter de l�humanit� ; la Yougoslavie fut un �tat terminal de l�Europe. Le th�me n�a jamais �t� �tranger � l�ex-chanteur de Trust, puisqu�il l�avait d�j� abord� dans l�album Europe et haines. Partant de ces fosses communes gracieusement recouvertes de chaux m�diatique � l��poque, que faire ? D�boutonner sa chemise et faire un film (Bernard-Henry Levy), prendre partie et int�grer le conflit dans une g�opolitique pessimiste (Maurice G. Dantec) ou traiter en direct avec l�horreur? C�est la derni�re option qu�a choisi Bonvoisin.
Nehrudin, 15 ans tout juste, est de ces enfants musulmans de l�enclave bosniaque, promis � une mort certaine et douloureuse. Il n�est pas le h�ros de chaque homme� - il n�y en a aucun dans le livre � mais seulement l�un des deux personnages principaux. L�autre �tant son antith�se instantan�, Max, agent immobilier carnassier et s�r de lui, avec la thune pour une mannequin et la clim� pour pas ruiner son Armani.
Silence, on tue
Un poil manich�en, Bonvoisin juxtapose les deux p�les de son r�cit par des raccords � dans le geste � tr�s cin�matographiques, rien qu�un peu forc�s par moment. M�me si l�effet de surprise joue souvent � plein. Alors quoi ? De chaque c�t� de la tranch�e litt�raire qui s�pare les deux protagonistes, Bernie nous joue la partition existentielle entre le combat pour �tre, Nehrudin, et le combat pour para�tre, Max, trimball� entre pouffiasses et potentats russo-musulmans. On ne peut pas dire pour autant que le tout bascule dans le roman � th�se ni dans le compte philosophique : autant demander � un pilier de comptoir de causer trigonom�trie. Si la gouaille bistroti�re de Bernie se tait un peu derri�re la gravit� du sujet, elle interdit n�anmoins tout d�collage po�tico-philosophique. Une fois encaiss�e la rafale des 170 pages, on sera rest� au raz des pissenlits, pour finir par leur bouffer les racines. Ce n�est certainement pas plus mal, p�rorer les pieds dans le sang frais n�est pas donn� � tout le monde. Et surtout pas � ceux qui croient pouvoir le faire. Laurent Simon
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