R�veillez-vous, Monsieur ! Jonathan Ames Joelle Losfeld

Prix éditeur 23.00 euros

Il arrive que la lecture d�un gros roman s�annonce tout d�abord laborieuse, pour s�av�rer finalement toute d�licieuse� C�est le cas ici, dans une �uvre que Jonathan Ames a compos� toute crescendo.

Pour Alain Blair, la vie est d�cid�ment bard�e de complications : les femmes paraissent inaccessibles, la Question Homosexuelle le taraude de fa�on quasi quotidienne, et son f�tichisme des nez a fortement tendance � le marginaliser� M�me sa vie pour le moins singuli�re, chez l�Oncle Irwin, est bien plus probl�matique encore : c�est bien simple, il ne supporte pas cet oncle gras et d�cati, immonde. Il n�aspire qu�� l��viter et, � trente ans, il cherche en vain un ailleurs. Heureusement, il y a Jeeves : Jeeves le fid�le valet, Jeeves le serviteur qui semble tout droit sorti d�un roman de PG Wodehouse et qui sait dispara�tre et resurgir au besoin, quand il le faut. Pour Alan Blair, la vie a des vertiges de soulagement lorsque Jeeves fait son apparition, pr�t � l��couter : en �paule solide, le valet se montre toujours limpide et rassurant, et ponctue chacune de ses interventions par un in�vitable � monsieur �, aux accents royalistes.

Itin�raire d�un enfant g�t�

Il y a d�finitivement quelque chose d�imp�rieux dans ce nouveau roman de Jonathan Ames� Comme un go�t de d�j�-vu, qui trouverait ses racines dans les plus vieux romans anglais. La poussi�re en moins. Car ce R�veillez-vous, Monsieur ! a tout ce qu�il faut de d�coiffant, et Ames a un humour tr�s particulier : un vrai comique de situation, � la fois piquant et rocambolesque, dilu� dans de longues descriptions qui ont en plus l�avantage de montrer son talent d��crivain et de conteur. Mais plus qu�un roman dr�le et l�ger, finalement, on pourrait presque qualifier ce destin de parcours initiatique : car de Montclair, dans le New Jersey, � Sharon Springs et Saratoga Springs, tous deux dans l��tat de New York, Alan l�empot� n�aura de cesse de chercher qui il est, et ce qu�il peut bien repr�senter en ce monde. Et pour cause, il souffre d�une maladie qui en touche plus d�un : il est �crivain. Heureusement, il y a Jeeves, encore une fois : Jeeves le psy, Jeeves � qui l�on dit tout ou presque, et qui s�av�re d�un excellent conseil quand tout se brouille.
Construit sur le mode de l�ascension, le roman va pousser Alan Blair a se d�passer, en quelque sorte : � quitter le domicile de son oncle, pour commencer, mais aussi � s�extirper de ses probl�mes d�alcools � ou du moins � essayer �, et finalement � rencontrer la plantureuse Ava... Malgr� des troubles sexuels plus qu��vidents.
Mais cette �volution, qu�il n�attendait plus, n�est jamais sans risque � et se voit ponctu�e de rebondissements qui font souvent sourire. A vrai dire, on n�y croyait pas trop au d�but : face � ce style parfois lourd et ampoul�, et � ces chapitres pr�c�d�s de courts r�sum�s explicatifs, on se disait que l�entreprise allait s'annoncer longue et p�nible� Mais le fait est que Jonathan Ames a vraiment un univers, des codes, des ambiances. Et qu�il sait les faire partager.

Julien Canaux