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Arri�re sur le bond en avant
| | Maos Morgan Sportes Grasset
| Prix éditeur 19.00 euros
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Voil� un livre pour ceux que mai 68 intrigue. Le mythe est coriace. Morgan Sportes aussi, qui en ram�ne un roman � th�se r�ussi et s�v�re. Qu'on ouvre le d�bat !
Les imb�ciles ne changent pas d�avis. Et les ex-mao�stes fran�ais? Le destin souvent dor� des anciens gauchistes fait probl�me. Ranc�ur tenace ou admiration complaisante sont les signes d�un grand malentendu, un non-dit, un � placard �, selon le mot de Philippe Sollers, qu�il serait bon d�a�rer. P�rilleux droit d�inventaire que peu prennent le risque d�exercer� En bon sp�cialiste du roman historique, Morgan Sportes a tir� le premier et construit Maos, un conte politique haletant, fruit de deux ans de travail, avec notes en bas de pages et sources d�informations apparentes. 1975, J�r�me, militant mao�ste radical et violent, se range, passe �diteur dans une grande maison et file l�amour bourgeois avec une chroniqueuse de presse f�minine. Chassant tout de m�me ses vieux d�mons prol�tariens au Tranx�ne, il va � peu pr�s bien, jusqu�� ce que d�anciens camarades le rattrapent pour une derni�re mission. Un revolver, une feuille de route... La rechute est vertigineuse, d�apparence contre historique, et plonge le roman dans les coulisses d�une lutte arm�e ringarde o� services secrets fran�ais et �trangers manipulent tous azimuts.
R�v�lations
Au bord de la schizophr�nie, J�r�me s�enfonce chaque jour vers une trouble d�couverte : aux dires de Sportes, les groupes gauchistes radicaux �taient instrumentalis�s de deux c�t�s. Par les gaullistes, se r�jouissant des dommages collat�raux inflig�s par les ultras au Parti Communiste. Par la CIA, ensuite, ravie de nuire � de Gaulle. In fine, c�est aux �lites n�olib�rales que le combat profitera. Et c�est l� la grande morale de cette petite fable historico-politique : rien d'illogique � ce que l�antigaullisme et l�antisovi�tisme des maos fran�ais se r�solvent sans difficult�s dans le capitalisme US contemporain d�brid�. La pirouette qui ach�ve le roman sonne d�ailleurs comme la fin d�une illusion : le sacrifice politique contre la libert� de jouir ? Le premier ne tient que dans la fiction, seule la deuxi�me vaut vraiment la peine. Nous irons donc nous marier en grande pompe � la Madeleine�
L�audience est ouverte�
Le grand d�ballage de Sportes, habile, n�oublie personne. Surtout pas Sartre, �pingl� pour le compte au fil des quatre cents pages. Et Sportes de citer en t�te de chaque chapitre des extraits fran�ais prochinois de l��poque, comme autant de pi�ces � verser au dossier : Foucault, Catherine Millet et Art press, Barthes, Althusser, Sollers et Tel Quel, Robbe-Grillet, Kristeva ou July. Le proc�d�, ironique au possible, est un r�quisitoire aigre-doux, le coup de gr�ce �tant donn� sans ambigu�t�s par une bibliographie � charge. Instruction bien men�e, au final, tr�s abordable, qui traverse l��poque de long en large, restituant dans ses paradoxes la fr�n�sie intellectuelle de ces ann�es. Il reste toutefois que cette affaire est trop d�licate pour qu�un seul livre la tire au clair. Et � trop consid�rer l�ivraie, le risque existe de perdre le grain : au moins les maos �taient-ils sans concession avec le goulag, et il serait dommage de jeter tout Barthes � cause de quelques pignolades, fussent-elles d'importance. Alors mettons les choses au net ! Sportes a commenc�, Phillippe Sollers a d�j� dit qu�il s�exprimerait un jour sur tout cela. Le plus vite sera le mieux... Marc de Launay
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