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Apr�s moi le d�luge?
| | Le dernier homme Margaret Atwood Robert Laffont
| Prix éditeur 22.00 euros
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Rescap� d�une catastrophe climatique ou humanitaire assez trouble, Snowman s�efforce de survivre tout en qu�tant les potentiels r�sidus d�humanit� alentours. Gen�se d�une catastrophe annonc�e o� l�apocalyptique le dispute � un r�alisme futuriste et inqui�tant.
Bienvenue dans un monde o� vieillir n�est plus synonyme de ride, o� les mutations g�n�tiques ont progressivement annihil� toutes les esp�ces animales traditionnelles, o� l��ducation et les loisirs des enfants se tournent vers le virtuel, o� les suicides deviennent des spectacles retransmis sur Internet, o� la culture est r�duite � n�ant, l�obsession s�curitaire ayant vid� tout lieu public d�une foule susceptible de r�veiller les instincts de terroristes en qu�te s�attentat.
Un monde s�curitaire, ultra s�curis�, dans lequel l�homme peut certes s��manciper de certaines pr�occupations sanitaires et mat�rielles, mais au prix d�un univers aseptis�, manipul� et frelat� gu�re plus enviable. Car � force d�immuniser l�homme contre tous les dangers, c�est de la substance m�me de la vie qu�on le prive.
Un autre monde est possible ?
Dans un futur peut-�tre pas si lointain, une sph�re de quasi surhommes industrieux et d�vou�s s�activent au sein des compounds (sorte de quartiers privil�gi�s � la fois socialement et intellectuellement) tandis que les pl�bezones abritent le reste de la population, faillible, vicieuse et corrompue mais ressemblant � s�y m�prendre � l�humanit� telle que nous la c�toyons aujourd�hui..
Dichotomie des go�ts et des couleurs, des conditions de vie et de s�curit�. Si la lutte des classes n�est pas � l�ordre du jour dans un monde cloisonn� au sein duquel la dictature de l�immortalit� et de la perfection r�gne, un message politique proche de celui d�Orwell ou de Huxley est clairement sous-jacent. La manipulation et la d�shumanisation est en effet au c�ur de ce roman dans lequel, entre manipulation g�n�tique et conditionnement moral, �mergent les Crakers, humano�des aux �motions et aux d�sirs chronom�tr�s et contr�l�s, sans poil et sans reproche.
Rien � voir avec Snowman qui, dans une autre vie, s�appelait Jimmy. Il �tait ce qu�on peut sans doute appeler un m�diocre mais il aimait la vie. Aussi comprend-on ses souffrances et ses appr�hensions lorsqu�on le voit r�duit � l��tat de quasi Robinson Cruso�, confront� aux �l�ments et � la frugalit� des repas servis par les Crakers, uniques autres survivants. Arpentant les quelques m�tres carr�s de nature qui l�entourent et les m�andres de sa m�moire, Snowman retrace les voies de la cr�ation de la nouvelle existence qui le guette, r�sultat de l�ubris du d�miurge Crake, son ancien meilleur ami, auquel une jalousie amoureuse a fait perdre la t�te et a d�clench� des passions destructrices. C�est sous les auspices d�une nouvelle cosmogonie au sein de laquelle Ga�a et Ouranos se verraient remplac�s par Oryx et Crake - dont les voix rythment le r�cit - que se d�voile l��cheveau des complexit�s pass�es.
Et dire qu�au festival America, Margaret Atwood assurait qu�elle avait �crit un roman optimiste. Que sera-ce lorsqu�elle couchera par �crit ses id�es les plus noires ? Car c�est bien la vision apocalyptique et proph�tique d�un monde qui va � vau-l�eau. Le tout brillamment charpent�, visionnaire jusqu�au malaise et cynique � souhait. En 1981, Margaret Atwood s�interrogeait sur La vie avant l�homme. Ici, c�est plut�t la vie apr�s l�homme qu�elle questionne. Et la description � la fois cynique et brillante, inqui�tante de lucidit� et de pr�cision qu�elle en fait dans ce qui rel�ve autant de la science fiction que de la politique fiction a de quoi faire fr�mir. Elle emprunte en effet autant au John le Carr� de The constant gardener qu�� Orwell et sa novlangue propagandiste et simplificatrice et r�jouira m�me les lecteurs les moins adeptes du roman d'anticipation.
Une chose est s�re, une fois la lecture de ce roman achev�e, et en attendant le prochain ouragan, on est pris d�une furieuse envie de croquer la vie, de s�impr�gner du quotidien dans sa trivialit� la plus banale, et de consolider ses relations aux autres. Et ce n�est sans doute pas le moindre m�rite de ce roman. Esp�rons simplement qu�une telle proph�tie ne s'accomplira pas. Laurence Bourgeon
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