L�amant en culottes courtes Alain Fleischer Le Seuil

Prix éditeur 22.00 euros

En arch�ologue de sa vie, Alain Fleischer revient sur ces jours de juillet anglais o� il a quitt� ses habits d�enfant pour rev�tir ceux de l�homme averti et initi� aux choses de l�amour.

Plus de dix ans apr�s la fin de la deuxi�me guerre mondiale, l�atmosph�re g�n�rale est plut�t � l�insouciance. Et pour le petit Alain, cet �t� sera celui de bien des d�couvertes et des initiations. En bon adolescent studieux, c�est outre-manche que devait se d�rouler la moiti� de son programme estival. C�est donc cette direction qu�il a prise pour un s�jour linguistique et culturel a priori on ne peut plus conventionnel, accueilli par une famille bon chic bon genre de la bourgeoisie londonienne. C��tait sans compter sur la pr�sence en surnombre de la gente f�minine dans cette grande demeure, certaines de ses cr�atures �tant dot�s de charmes ind�niables.

A nous les petites anglaises !

Qu�est ce qui fait de l�homme un homme et � partir de quand le devient-il ? Un peu comme le jeune Jean-Jacques face � madame de Warens, little Alan succombe aux charmes exotiques de Barbara, log�e chez la m�me Mrs Buss, dans un but tout aussi noble : achever de bonnes �tudes de chimie et pharmacie. Une pr�sence qui pimente agr�ablement un quotidien, plut�t nocturne en l�occurrence, par ailleurs cons�quemment charg� en visites monumentales, rencontres sportives et rendez-vous sociaux. Tr�s vite, son s�jour rel�ve de savants exercices d��quilibrisme, entre la biens�ance et les bonnes mani�res qu�il se doit d�observer, notamment en tant que jeune Fran�ais en visite, et l��veil d�une sensualit� qui l�attire vers des divertissements nettement moins innocents que les parties de dames chinoises qu�il dispute avec la ma�tresse de maison.
Parenth�se dans sa vie (ayant quitt� Paris enfant et y revenant avec une conscience du monde, des tensions g�opolitiques � un autre niveau que ses �mois adolescents), elle est incontestablement charni�re dans sa constitution en tant qu�homme et individu. Il y d�couvre en effet que la f�minit� peut rev�tir des visages et des attraits bien plus divers que ceux de sa m�re et sa grand-m�re, qu�il n�oublie pas n�anmoins. Et c�est un bel hommage qu�il rend d�ailleurs � toutes celles aux femmes : m�tisse de Trinidad, grand m�re espagnole, guide p�dagogue et z�l�e, ou logeuse accueillante ; � chacune il sait ce qu�il doit et le lui attribue sans rechigner. P�riode cruciale donc. C�est sans doute la raison pour laquelle il nous d�voile par le menu, jour apr�s jour et quasiment heure par heure, les stratag�mes et l�inventivit� dont il doit faire preuve pour s�attirer les faveurs de celle qui fera qu�il ne sera plus jamais le m�me.
Pas de quoi n�anmoins effrayer les parents et les inciter � renoncer � envoyer leurs bambins en voyage linguistique. Car s�il est certain que Alan rejoint les rangs des experts en s�duction, ses progr�s en langue sont tout aussi notoires. En t�moignent les traductions quasi syst�matiques et simultan�es des paroles �chang�es avec les autochtones� Un tel soin �tait-il bien n�cessaire �tant donn� l�ampleur du volume ? Personne n�aurait song� � remettre en cause l�excellence de son bilinguisme�

Sur la longueur, on restera donc un peu sceptique. Car si la premi�re et la derni�re fois rev�tent incontestablement une saveur particuli�re, le r�cit de toutes ces autres fois, et malgr� l�inventivit� dont il fait preuve, peut lasser, si ce n�est un lectorat nostalgique, au moins les plus jeunes. La langue est belle certes, et l�on observe le portrait de cet apprenti Casanova qui portera bient�t un pantalon avec un certain attachement. Et il est int�ressant de voir le regard que l��crivain porte sur une p�riode v�cue il y a plus de soixante ans. Mais c�est �galement l� que semblent poindre une certaine complaisance et autosatisfaction. Car, aussi �rudit, pr�coce et virtuose que peut l��tre un enfant de treize ans, et l�on ne doute pas qu�il l�ait �t�, le saupoudrage de noms et de r�f�rences apparemment parfaitement ma�tris�es, assimil�es et interpr�t�es par l�enfant qu�il �tait encore, fait surgir le doute voire l�agacement.
L�on quitte donc cette lecture sans r�el d�plaisir mais avec une interrogation. Dans la constellation des textes autobiographiques qui peuplent les rayonnages des librairies, celle-ci �tait-elle vraiment nouvelle ?

Laurence Bourgeon