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Le Livre Impossible � oublier
| | Le Livre Impossible Marc Vilrouge Le Dilettante
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Marc Vilrouge a le don des livres borderline. Toujours sur un fil avec une jambe d�j� tendue dans le pr�cipice, tr�s loin. Avec son dernier roman, il nous fait cadeau de son Livre Impossible qui aurait tout aussi bien pu s'appeler Comment je me suis disput� ma propre vie d'�crivain.
"Le p�re �tait pench� sur le berceau." Ne vous fiez pas aux apparences. Les v�ux de bienveillance et les premi�res heures de tendres promesses formul�es par des parents h�b�t�s par la circonstance ne pourront rien changer au destin des enfants. Le berceau moisit toujours un peu dans les greniers et les prog�nitures d��oivent toujours les attentes de leurs paternels.
"Dors mon fils, papa et maman sont l��", sont les derniers mots de la comptine surr�aliste qui ouvre ce roman. Une comptine � l'atmosph�re inqui�tante, tant elle est �trang�re � l'univers "vilrougien".
Le berceau dispara�t brutalement dans un saladier de coca�ne et nous voici dans la brutalit� de la vie. Celle qui ne d�gueule plus de comptines depuis belle lurette mais qui se contente d'�mietter chaque jour davantage la lucidit� de ses � participants �. Le narrateur, Flavien, a fini par ne plus jouer. Seule possibilit� : s'isoler pour tenter de retrouver ses mots. Terrifiant de v�rit�, il formule des v�ux d'�criture face � la douleur de la page vierge souill�e de poudre blanche. Il est d�j� sur le toboggan et ne tente m�me plus de s'accrocher aux parois. S'il n'y avait pas ce sempiternel refrain enfoui dans un tiroir de son reste de cerveau, "Dors mon fils, papa et maman sont l��", tout serait sans doute diff�rent. Pire ou meilleur. Mais autre. Il n'a dans le bide que des livres impossibles . Des livres qui heurtent la morale ou le c�ur d'un p�re et d'une m�re pour qui il a cette salet� d'amour filial. Il sombre dans le mensonge, le travestissement de soi. La force de sourire lui vient de la drogue aussi blanche que sa page. La force de dormir de son autre drogue. Il descend dans la ferme familiale pour fabriquer une derni�re illusion. Mais son cerveau d�borde de r�flexions empoisonnantes : "Oui je suis le bon fils sans failles dont vous �tes fiers, non je n'�crirai plus jamais sur vous ni sur la famille, oui j'aime mon emploi de conseiller technique � l'Assembl�e Nationale, je ne vous dirai jamais que j'ai d�sert� ce poste depuis un an, je suis si heureux que vous soyez fiers de cet homme que je ne suis plus et ce bonheur l� me tue, m'assassine davantage � chaque minute�" Le pire n'est pas loin.
l'�criture ou la vie
Ce livre aborde avec une justesse d�sarmante toutes les probl�matiques qui assaillent le cerveau des �crivains contemporains. Dans la brutalit� du mal-�tre du narrateur, on reconna�t les failles de tout �crivain mais �galement de nombreux individus. Entre les r�ves que l'on dessine pour nous et nos vies r�elles, le d�calage est toujours terrifiant. Il suffit de se pencher de trop pr�s sur son berceau de gosse pour trouver son vertige. Nous avons le vertige de d�cevoir, le vertige de ce qui adviendra de toute fa�on car tel est le cheminement. Nous d�cevrons toujours les r�ves qui ont �t� con�us hors de nous.
Marc Vilrouge a une �criture grave et infernale. Magnifiquement infernale. Sa plume met � nu ouvertement et merveilleusement nos angoisses. Dans le cheminement du roman, il abat, comme dans une partie de fl�chettes, chaque tremblement de son narrateur - son double ? - d'un coup de plume sanguinaire. Il souligne la v�rit� de l'�crivain qui ne peut plus �crire sans � assassiner � son p�re. La censure constante guide ses pas vers le pire : "contr�ler son venin de v�rit�", " jouer le chaud et le froid de la fiction pour prot�ger ses parents du livre impossible qu'il a en lui " et � se retenir de commettre l'irr�parable . Parfois sur les pas d'un Val�re Novarina dans cette �criture urgente, avide de d�bordements, Marc Vilrouge d�nonce la figure de l'�crivain tout en lui offrant un bel hommage criant de v�rit�. Il souligne la douleur du deuil � faire apr�s deux � trois mois de dur�e de vie en librairie pour chaque livre, le poids du silence et de l'errance int�rieure in�vitable. Et cette question qui plane : qu'est-ce qui est le plus important, la litt�rature ou la vie ?. Olivia Michel
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