A coeur ouvert Fanny Carel Mercure de France

Prix éditeur 16.00 euros

Dans l'exercice p�rilleux du roman d'amour, Fanny Carel passe all�grement la rampe. Une �ducation sentimentale et �rotique d�licate. Ca change...

Aux mornes temps du nihilisme, un c�ur trop ouvert passerait vite pour imb�cile. Il y aurait l� de l�injustice, d�abord. Mais surtout une erreur : l�immense m�rite de Fanny Carel est de nous rappeler qu�un roman d�amour peut �tre encore aujourd�hui tout � fait r�ussi. Ni na�f, ni cynique, le sens qui s�exfiltre de ces deux cents pages est dit avec suffisamment de d�licatesse et de justesse pour renvoyer tout un pack de rugbymen n�o-z�landais froufrouter au bal des d�butantes.

Et il s�agit justement de l�histoire d�une d�butante. Ses seize ans et des formes pas bien encore affirm�es lui valent le surnom de � crevette �. Une anti-Lolita, ignorante au possible des douces ambigu�t�s de la chair, qui se fait surprendre, en un instant, par son d�sir pour un homme. Une plage, une planche � voile, un appolon d�nud� par une vague, et plouf, voil� le d�but du grand �garement� Chromo, dites-vous ? Oui, en partie et au d�but. L��ducation sentimentale de la jeune fille n�en est que plus forte. Et non, puisque tout d�marre � la premi�re vue d�un p�nis et que notre apprentie ne triche pas avec cette r�v�lation. L�objet intrigue, attire et effraie, bref, fascine. La suite relate le passage du premier fantasme au r�el.

� c�ur ouvert�
Le fantasme n�vrotique d�abord, solitaire, passif, ang�lique, connu sous le nom de � syndrome du Prince charmant �, poursuit confortablement le premier �moi. R�veries inconsid�r�es, sensualit� inavou�e� Le d�sir se projette d�autant plus s�rement vers Laurent, son � ange � recherch�, que la soupirante doit subir les entreprises grossi�res d�un vieux professeur de th��tre Nabokovien. Un � Humbert Humbert � plus banal que l�original et figure masculine � repoussoir. Le fantasme pass�, place au jeu amoureux. Celui-ci s�organise au sein du cours de th��tre o� les deux jouvenceaux se retrouvent. Rom�o, Ondine, Richard III sont les personnages qui servent de prototypes d�essai pour un amour tra�nant � se concr�tiser. Le proc�d� narratif est intelligent et admirablement utilis� par Fanny Carrel. Fa�on, aussi, de rappeler que ces jeux l� sont imm�moriaux. Leur peine n�est pas perdue puisque les deux timides finiront par occuper ensemble le m�me appartement le temps de leurs �tudes.

...et p�nis d�ploy�
C�est, comme tout le monde l�attend, dans le lit partag� que l�histoire trouvera son aboutissement, ou, plut�t, son non aboutissement. Point de coucherie, en effet : l��lu r�v�le, un peu tard, son homosexualit�. Plouf final. Et pourtant, cette histoire n�est en rien d�nu�e de sensualit�. Disons m�me que nous avons rarement lu de description aussi r�ussie du d�sir br�lant chez une jeune fille et des caresses exploratoires qu�elle m�ne pour toucher son but. La d�couverte du corps de l�autre, o� le d�sir, pas � pas, l�emporte sur la peur pour la premi�re fois, vaut absolument pour toutes. D�licate et pr�cise, l��criture de Fanny Carrel fa�onne un �rotisme sublime, sans vulgarit� banale ni aucune perversit�. Avouons qu'il est salutaire parfois que le d�sir sinon l'amour soient trait�s avec autant de sensibilit�. Dificile, honn�tement, de ne pas c�der au charme universel de cette �ducation sentimentale dans ce qu'elle a de path�tique et en m�me temps de si reconnaissable.

Marc de Launay