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Variations sur un m�me t'aime
| | Dans ces bras-l� Camille Laurens POL
| Prix éditeur 18.29 euros
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Une femme a le coup de foudre pour un inconnu. Certitude aussi soudaine qu'�blouie : " C'�tait lui. "
Elle le suit, d�couvre qu'il est psychanalyste et d�cide de devenir sa patiente. Deux pr�occupations rythment d�sormais son existence : les entrevues o� elle est " seule avec lui " et les chapitres d'un livre qu'elle est en train d'�crire, un livre sur les hommes, " les hommes en g�n�ral, tous �ceux qui sont l� sans que jamais l'on sache d'eux autre chose que leur sexe : ce sont des hommes, voil� tout ce qu'on peut en dire� et les hommes en particulier, quelques-uns. "
Dans ces bras-l� repose sur une structure � la fois simple et ing�nieuse : deux voix qui alternent, se font �cho et se compl�tent. D'une part, les t�te-�-t�te avec le s�duisant psychanalyste, racont�s � la premi�re personne. Le " je " manifeste le cri du c�ur, la parole imm�diate, ici et maintenant : " Le pire des hommes, pour moi, l'homme abject, c'est celui qui m�prise le d�sir des femmes. " D'autre part, l'inventaire, � la troisi�me personne, de tous les hommes de la vie de la narratrice. Ils sont tant�t r�els, tant�t imaginaires : le p�re, le premier amour, le professeur, le mari, mais �galement le lecteur, l'homme du fantasme, le destinataire. R�cits, pens�es, d�finitions, listes de qualificatifs, il y en a pour tous les go�ts. Certains hommes reviennent, ont droit � plusieurs sc�nes, d'autres non.
Et Camille Laurens valse de ces bras-ci � ces bras-l� en usant de tous les discours et de tous les tons possibles : parole vibrante des adresses aux hommes, humour du cours d'�ducation sexuelle, ironie caustique des clich�s masculins revus et corrig�s, douleur indicible de la perte d'un enfant. L'analyse est fine, intelligente, plus profonde qu'elle n'y para�t. L'auteur joue la simplicit� et certains constats s'imposent comme une �vidence. Pourtant, derri�re la l�g�ret� et la clart� de l'�criture, les anecdotes, les r�flexions en vrac, se rassemblent et se r�pondent. Chaque fragment peut �tre lu s�par�ment, comme une ligne m�lodique a son autonomie, parfois. Mais l'agencement de ces fragments, le tressage de ces lignes, permet de mettre au jour une m�ditation sur le d�sir, de lui donner corps.
Car il ne faut pas oublier que ce livre consacr� aux hommes dessine en creux le portrait d'une femme. Fiction, autofiction, autobiographie, l� n'est pas la question. Dans ces bras-l� rejoint cette " histoire mythique vers quoi tend la vie d�s qu'on la raconte ", car il tente de faire la lumi�re sur les " barricades myst�rieuses " qui s�parent l'Homme et la Femme. Entre eux, un espace de jeu tout entier sous-tendu par le d�sir. Et les phrases, les mots sont autant de filets lanc�s par l'auteur pour embrasser, comprendre et cerner ce d�sir. Peut-on dire l'irr�sistible envie de se fondre dans l'autre, de p�n�trer son �tranget� ? Demeure en tout cas le mouvement, l'�lan de la tentative, c'est-�-dire le livre : " J'ai renonc� � vous saisir, mais pas au geste de vous saisir. L'�criture est ce geste. J'�cris vers vous. C'est comme la main qu'on agite quand le train est parti : inutile, sans �tre vain. " Minh Tran Huy
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