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Dans la peau de Paul Auster
| | Dans le scriptorium Paul Auster Actes Sud
| Prix éditeur 18.00 euros
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Qu�te identitaire, errance et � musique du hasard � : Paul Auster retrouve ses th�mes de pr�dilection avec Dans le scriptorium, une histoire jou�e en huis clos. Portes ouvertes dans l�univers du romancier new-yorkais.
� Un vieil homme est assis au bord du lit �troit ; les mains � plat sur ses genoux, la t�te basse, il contemple le plancher. � Si les tous premiers mots de Dans le scriptorium ont des allures de didascalie, ne vous y trompez pas : vous n�obtiendrez pas une information de plus sur l�identit� de ce vieil homme. Car Paul Auster n�est pas de ces romanciers qui livrent leur texte clef en main. Depuis la parution du premier volet de sa trilogie new-yorkaise, il y a vingt ans, il n�a cess� de s�en remettre au hasard. Ses histoires, v�ritables petites enqu�tes litt�raires, ne sont jamais simples ; au contraire, elles se m�ritent. Pour l�heure, mieux vaut donc suivre la suggestion de la voix qui nous guide : � Nous allons par cons�quent laisser tomber l�expression vieil homme et d�signer dor�navant le personnage dans la chambre du nom de Mr. Blank. � Ce Mr. Blank est d�sorient�. Il ne sait plus qui il est, ni les raisons pour lesquelles il se trouve dans cette pi�ce inconnue. Il prom�ne ses regards sur le modeste d�cor qui l�entoure : un fauteuil, un bureau, un lit et partout, des bandelettes de papier portant les indications suivantes : � Fen�tre �, � Mur �, � Salle de Bain �� Ses moindres mouvements sont devenus source d�angoisse et le fait m�me de se lever lui demande des efforts surhumains. Et puis, il y a ce manuscrit dans lequel il se plonge avec int�r�t et qui raconte l�histoire d�un agent secret accus� par une conf�d�ration despotique de l�avoir trahie en ralliant la cause de leurs ennemis, les primitifs.
Inqui�tante �tranget�
Lorsqu�il n�est pas absorb� par sa lecture, Blank re�oit la visite d�hommes et de femmes qui viennent lui r�clamer des comptes au sujet de missions pass�es. Leurs visages font na�tre en lui un sentiment qui s�apparente � l�unheimlich freudien : ils sont angoissants, inconnus et pourtant terriblement familiers. Blank se sent donc coupable sans pouvoir expliquer pourquoi. C�est un homme de sensations en proie � une vie ant�rieure qui lui �chappe et qui lutte pour retrouver l�int�gralit� de sa m�moire et de son identit�. Chose �tonnante, les noms de ces myst�rieux visiteurs ne nous sont pas non plus totalement �trangers : ce sont les h�ros des pr�c�dents romans d�Auster. La situation devient de plus en plus opaque� D�laissant bri�vement ses promenades new-yorkaises, l�auteur construit ici un r�cit aux fronti�res du fantastique et propose une r�flexion originale sur le statut de l��crivain et la toute puissance des mots. Dans le scriptorium, o� s�entrem�lent fiction et r�alit�, le romancier et ses cr�atures se croisent enfin. Certes, le proc�d� n�est pas nouveau puisqu�au d�but du si�cle dernier Pirandello imaginait d�j� Six personnages en qu�te d�auteur et, plus pr�s de nous, Woody Allen reprenait ce motif pour une pi�ce en un acte, Old Saybrook, qui met en sc�ne un dramaturge en panne d�inspiration, pris en otage par ses propres personnages. Toutefois, Auster r�invente le genre en cr�ant un huis clos litt�raire o� l�atmosph�re devient rapidement anxiog�ne. D�j� pr�sent en filigrane dans la plupart de ses livres pr�c�dents, il passe aujourd�hui ma�tre dans l�art de la mise en abyme et laisse plus que jamais son empreinte Dans le scriptorium. Fid�le � sa pratique du r�cit gigogne qui imbrique les niveaux de lecture les uns dans les autres, l�auteur nous offre au surplus une parabole subtile sur l�aveuglement de ses concitoyens dont il craint les ambitions d�mesur�es. Nous l�avons dit, une histoire de Paul Auster se m�rite, mais � la fin quelle r�compense ! Ellen Salvi
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