Vieilles peaux Anna Rozen Le Dillettante

Anna Rozen semble se trouver toujours l� o� le c�ur bouillonne. En cette fin d�hiver on retrouve la romanci�re avec son dernier livre,Vieilles peaux , au Dilettante, mais �galement la traductrice chez Na�ve dans le texte d�Andrew Kaufman, Tous mes amis sont des super h�ros. Deux livres au travers desquels elle peut exercer, � sa guise, ses super-pouvoirs de mise en lumi�re des plus infimes v�rit�s de nos existences.


Vielles peaux, ou comment appr�hender les affres du temps

Derri�re cette magnifique couverture froiss�e, se cachent trois d�licieuses nouvelles piquantes, humoristiques et �mouvantes � souhaits. Encore une fois Anna Rozen touche juste, contourne les clich�s et questionne habilement.Arch�ologue des d�tails quotidiens, elle d�terre d��mouvantes et frappantes v�rit�s dans nos actes les plus insignifiants et dans nos d�sesp�rantes monotonies. Parce que voil� ce que nous d�livre la romanci�re bien confortablement install�e dans ces vieilles peaux : C�est cette somme de d�tails vils qui fait la pr�ciosit� de la vie. Il y a d�abord l�histoire de Cressida Bloom : Romanci�re � succ�s, elle s�inqui�te d�sormais de sa post�rit�. Elle s��puise en castings infructueux et nous amuse terriblement. Aucun candidat ne correspond au r�le de passeur de m�moire et son id�e folle se r�v�le �tre une source de d�sordre dans son existence. Avec cette Cressida Bloom � la fois dr�le et exasp�rante, Anna Rozen touche du doigt le questionnement immanquable de la post�rit� qui vient titiller tout auteur qui prend conscience du temps qui passe. Autre d�cor pour la seconde nouvelle, l�histoire de Marthe et Fernand, un couple de septuag�naires touchants qui savourent leurs habitudes de vie. Hymne � la monotonie, Big Brother s�invite chez monsieur et madame tout-le-monde. Et alors, quoi ? Qui peut savoir vraiment o� se trouve le bonheur, apr�s tout ? Enferm�s dans leurs habitudes clownesques et leur petit rien de vie, ces deux-l� se supportent depuis quarante ans. Troublant, presque d�suet, ce couple est aussi touchant et d�sesp�r�.
Enfin, Anna Rozen finit ce beau trio de textes sur un exercice de style saisissant. P�rilleux, proche des Microfictions de Jauffret, cette derni�re partie tr�s dense est prenante car c�est ici que l�on capte le plus la personnalit� de notre auteur. Et �a a le m�rite d��tre passionnant d�s lors que l�on vient de savourer ses deux amples nouvelles. L�auteur joue � un dr�le de jeu qui consiste � d�buter toutes ses phrases par : Je suis. Tout l�exercice consiste � justement souligner tout ce qu�elle n� est pas dans ses enqu�tes et ses observations d�auteur. Singuli�re �tude, elle est dans l�observation brute, elle est tour � tour une fille grosse, une personnalit� connue, un objet insignifiant, et si peu elle-m�me. Dans la peau de tous ces mirages, elle tente d�habiter un peu plus g�n�reusement la sienne, justement� Une adorable folle en somme !Une folle adorable qui pose sur la vie qui grouille et les g�n�rations qui s�entrechoquent un regard percutant et une �criture jouissive et �mouvante.

Tous mes amis sont des super h�ros, l�humour d�Andrew Kaufman distill� par Anna Rozen


Les personnages de Vieilles peaux sont inscrits dans une banalit� touchante qu� Anna Rozen a habill�e subtilement de son cynisme et de sa dr�lerie pour y faire ressortir une belle �motion. Ceux de ce petit recueil du Canadien Andrew kaufman, auteur, r�alisateur et producteur de radio pourraient fonctionnent de la m�me mani�re. Ironique et sensible, ce texte curieux propose une galerie de portraits loufoques .Sous une apparente forme d�exercice de science-fiction, les pages r�v�lent peu � peu une humanit� super-tremblante et le langage de Kaufman introduit � une jolie r�flexion sur les affres de l�amour. Super-path�tiques ou super-sensibles, les h�ros sont finalement les �tres humains les plus faillibles et malheureux. Est-ce un hasard si Anna Rozen a traduit ce roman ? Son style, que l�on retrouve assur�ment dans cette traduction, s�adapte parfaitement � la dr�le de personnalit� des super h�ros de l�auteur. Ce sont les m�mes super-h�ros que les siens, parents �loign�s de Marthe et Fernand, ou de super-�gocentrique-Cressida.
Tom, le seul v�ritable h�ros de cette histoire est le seul personnage � ne pas �tre un super h�ros. Comme Jean-Pierre souffrait parfois des super-pouvoirs de sa sorci�re bien-aim�e, lui, souffre des super-amis de sa bien-aim�e,la d�nomm�e Super-Perfectionniste. Dans cette communaut� de supers, aucun pouvoir ne rend heureux car il semble que le bonheur habite l� o� le c�ur peut encore �tre f�brile, l� o� le sentiment parvient se glisser. Epidermique �galement, ce petit livre est dr�le et attachant. A quoi sert de courir� Super-Amphibien, le gentil super-ami de Tom, nous �claire � sa fa�on : Il peut vivre aussi bien sur terre que sous l�eau, d�accord, mais sinc�rement, quel int�r�t ?

Olivia Michel