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Ces excit�s de la mis�re
| | Les belles �mes Lydie Salvayre Seuil
| Prix éditeur 13.57 euros
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L'�pop�e d'un car de tourisme, bond� de bourgeois bien pensants � travers une Europe d�clin�e sous forme de champ d'exp�rimentation : comment d�couvrir et compatir � la d�solation du monde ?
Ils sont bien v�tus, rient, baisent, consomment ; bref la vie leur est cl�mente. Tous constituent un seul et m�me prototype de l'Occidental b�at et sans question sur le sens de l'existence qu'il m�ne. Ou plut�t dans laquelle il se laisse tranquillement mener. Seul un inexplicable malaise, venu d'on ne sait o�, le pousse � quitter le confort du quotidien douillet.
Il s'agit pour Real Voyages de mettre en lumi�re la mis�re de notre continent, p�le reflet de celle du monde : donner bonne conscience � ces belles �mes qui d�cident un beau matin qu'il n'est plus possible de se lever les yeux ensabl�s. Nous les suivons dans un p�riple cocasse � travers les banlieues de Berlin, les usines de Lisbonne, les foyers de culs-terreux des capitales visit�es. L'in�galit� crie sous cette mascarade d'abrutis au c�ur g�n�reux qui se prom�nent, mouchoir dans une main et cam�ra num�rique dans l'autre. Curiosit�, apitoiement, un quasi-voyeurisme ; et quand le paysage n'est plus supportable, ses contemplateurs vertueux n'osent plus descendre du car. Refermons doucement la parenth�se, l'�preuve fut trop dure, " la conscience du mal ne sauve pas du mal ".
Des croquis lentement d�voil�s au cours de la narration, mais avec la s�ret� de ceux qui savent o� ils emm�nent : un �crivain qui s'�coute et finit dans le mutisme, une militante du PC tyrannique, un industriel ignare, une hyst�rique qui cherche � se caser avant la quarantaine. Et toujours cette Olympe, � qui l'auteur attribue la place particuli�re et presque touchante des idiots de village, l'idiote de ce groupe d'attard�s en somme. Une lessiveuse qui nous passe au pressing de sa presque puret�, qui nous compasse par le sordide de pr�occupations strictement mat�rielles, qui nous repasse au fer d'une b�tise si innocente qu'il est impossible de lui en vouloir. Une pauvre petite cr�ature porteuse d'un secret : celui de Lydie Salvayre. Que cette derni�re ne semble malheureusement pas pr�te � partager avec le lecteur, qui en reste sur sa faim. Serait-ce la persistance de l'�merveillement et la force bruyante des gloussements flamenco en d�pit la laideur de tous les instants qui, " semble-t-il, n'est pas propre aux cit�s " ?
L'autod�rision de Salvayre remplit son r�le : la dose de cynisme, toujours pr�sente au fond de chacun, trouve ici le canal parfait pour se distiller � travers les mots de l'auteur, ses apart�s exclamatifs et sa fausse compassion envers des personnages caricaturaux -enfin pas tant que �a. On peut ranger le kleenex. Car m�me confront�s au r�el, nous n'en tirons rien, si ce n'est le d�sir de rentrer au plus vite at home sweet home. Telle est la le�on de cette parodie du voyage organis�, cette plong�e dans l'interrogation de soi. On a toujours besoin d'un guide et d'un conducteur de bus. Le probl�me, c'est que bien souvent l'un est drogu� et l'autre sexuellement frustr�. Voil� qui n'est pas sans risquer de biaiser le sondage de l'�me, et de remettre en question l'axiome de ces d�parts courageux : " Tout plut�t que l'ignorance ". O.M.
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