#113 - Du 15 novembre au 08 d�cembre 2008

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Il y aura un avant et un apr�s

 La belle vie
Jay McInerney
L'olivier
Prix éditeur
22.00 euros

Plus de dix ans apr�s Trente ans et des poussi�res, voici La belle vie selon Jay McInerney. Ou comment peut-on demeurer heureux, stable et confiant une fois pass� le cap de la quarantaine � New York ? Surtout lorsque le 11 septembre est pass� par l�.

Ils �taient jeunes et beaux. Tout leur r�ussissait et l�argent coulait � flot. On n��tait pas dans un feuilleton t�l� na�vement id�aliste mais, il y a plus de dix ans, dans Trente ans et des poussi�res, le roman de Jay McInerney dont La belle vie constitue le pendant. Entre-temps, de l�eau a coul� sous les ponts. Et surtout, le cataclysme du 11 septembre s�est abattu sur la ville.
Il existe entre ces deux livres la m�me fascination et le m�me malaise que l�on peut �prouver au visionnage des Invasions barbares apr�s La chute de l�empire am�ricain. Comme Denis Arcand, Jay McInerney r�unit le m�me groupe de personnages. Et s�ils sont plus proches du milieu des golden boys new yorkais que de universitaires canadiens, ils gravitent n�anmoins dans un milieu intellectuel o� cin�astes c�toient �diteurs et chefs cuisiniers. Autour de Corrine, ex-cambiste qui a renonc� � la sp�culation financi�re quotidienne pour �lever des enfants longtemps d�sir�s et de son mari �diteur Russel, fourmille en effet tout un �chantillon/panachage assez repr�sentatif de la jet-set branch�e et fortun�e de Manhattan.

Sont-ils tous devenus des � fant�mes ambulants � ?
Privil�gi�s donc, ils le sont ? Autant qu�artisans de leur r�ussite. Comment alors expliquer cet essoufflement, cette perte d�enthousiasme qui les saisit, la disparition de cette propension permanente qu�ils avaient � s��merveiller de tout ce qui les entourait ? Certes, il y a l��ge : le d�mon de midi pour certains, le cap de la quarantaine pour d�autres. La recherche du profit � tout prix peut-elle demeurer une fin en soi ? Comment faire face � ses responsabilit�s parentales alors m�me que les relations de couple s�effritent ? Autant de questions que se posent Corrine et Luke, �galement repenti des tractations financi�res avec des vell�it�s d��criture, d�abord s�par�ment, avant de se rejoindre. Aussi le hasard n�est-il peut-�tre pas total lorsqu�il les fait se rencontrer dans les d�combres du World Trade Center.
La convergence du doute de ces personnages avec la catastrophe qui �branle leur pays d�passe toutefois la simple astuce narrative bien qu�une telle co�ncidence accentue �videmment les �motions. Les sentiments s�emballent, les r�actions s�acc�l�rent. Et les remises en question affleurent � tous les niveaux. Car, bizarrement, c�est un m�me halo de culpabilit� qui entoure les deux situations. Or, si l�on peut s�attribuer la responsabilit� d�un certain enlisement de ses relations de couple, sur qui renvoyer la faute du d�clenchement du 11 septembre ? Coupable ou non, � juste titre, Corrine se jette corps et �me dans sa mission de sauveteuse, y trouvant autant une �chappatoire qu�une nouvelle justification � son existence.

Une recette pour la belle vie ?

Mesurant l�ampleur et la port�e de ce que cet �v�nement aurait d�ind�l�bile et d�inoubliable dans l�histoire de son pays, McInerney a eu l�intelligence de ne pas y r�agir de fa�on totalement �pidermique. A la lumi�re du recul qu�il a pris, il �tudie de quelle mani�re ce s�isme en plein c�ur de ce que l�on consid�re comme la plus grande d�mocratie du monde affecte l�individu dans ce qu�il a de plus personnel. Comment � la fois rien ne sera plus jamais comme avant (comme une irr�versible perte d�innocence) et comment il est vain de se complaire dans ses lamentations. La belle vie n�a cependant rien du roman d�un moraliste d�une nouvelle �re. Et s�il ne se prive d�aucune satire de la jet set new yorkaise, pour notre plus grand plaisir, ce n�est pas pour inviter les Occidentaux � faire � tout prix amende honorable d�un mode de vie forc�ment ind�cent, mais bien plut�t le r�sultat d�une saine autod�rision et d�une n�cessaire lucidit�. Ainsi nous r�gale-t-il d�une galerie de portraits pr�texte � d�velopper une critique acerbe de la superficialit� et des diktats d�une soci�t� moderne qui s�efforce d��tre heureuse et bien pensante � et derri�re laquelle on ressent un certain v�cu. En t�moignent ces mots sur les restaurants branch�s ou le coude � coude n�est pas qu�une mani�re de dire � et ou ceux qui n�avaient pas l�habitude des transports en commun pouvaient au moins profiter d�un simulacre du charme de l�intimit� qui les caract�risait. �
C�est cette plume qui vide le r�cit de cette rupture, de cette parenth�se, de toute amertume. Aucune recette miracle ne vous sera donc ici d�livr�e pour mener la vie telle qu�on la qualifie commun�ment de belle. Mais un appel � exister et � aller de l�avant, toujours.

Laurence Bourgeon



 
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