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Treize contes �tranges Vincent Ravalec J'ai Lu

Prix éditeur 4.42 euros

Bannissez-moi, chers lecteurs, de votre camp �clair� : en ce jour maudit, j'appelle sur moi les foudres de la litt�rature contemporaine qui ne manqueront pas de me tomber dessus apr�s le terrible aveu que je m'appr�te � faire : avant qu'une bonne �me, apitoy�e par mon ignorance, ne me mette r�cemment entre les mains Treize Contes �tranges , je ne CONNAISSAIS PAS Vincent Ravalec.

Je pourrais trouver d'excellentes raisons � cette situation honteuse, des excuses tr�s valables du genre : j'ai �t� enlev�e par des martiens quand j'�tais petite, ou bien je me r�veille � peine d'un coma profond ayant dur� sept ans, ou encore, jusqu'au mois dernier, je vivais dans une cahute au fin fond du Groenland ; bref, vous en conviendrez, rien que du tout � fait ordinaire.

Et bien non, aujourd'hui je m'en tiendrai courageusement � la banale v�rit� : moi, en 1994, � l'heure o� le Prix de Flore r�compensait le premier roman au titre d'ailleurs �nigmatique -Cantique de la Racaille- de ce cher Monsieur, je subissais encore le joug de la litt�rature classique enseign�e au lyc�e, laquelle, rappelez-vous, consid�re toujours que son histoire s'arr�te en 1900.

C'est donc bien humblement que je m'attaquais la semaine pass�e � l'ouvrage de ce jeune auteur r�put� plein de talent, curieuse de comprendre les motifs de son ascension fulgurante au Panth�on des �crivains embl�matiques de la nouvelle g�n�ration litt�raire.

Il faut avant tout lui reconna�tre un style plut�t percutant. En effet, je ne crois pas trop m'avancer en vous disant que vous n'avez pas d� lire souvent des r�cits commen�ant par des phrases du type : "Je m'�tais fait enculer pour la premi�re fois un 13 juillet", ou alors, c'est que nous ne parlons pas de la m�me litt�rature ! Plus s�rieusement, avant de prendre un air faussement scandalis�, voire, au contraire, l�g�rement blas�, en vous �criant "encore un �crivain exploitant la veine - il est vrai tr�s porteuse - du trashy", sachez que le Ravalec, dou�, a comme on dit plus d'un tour dans son sac.

En d'autres termes, ce recueil de nouvelles est loin de se r�duire � une synoptique/accumulation* de mises en sc�ne scabreuses, quand bien m�me elle constitue sur certains "contes" une base plut�t efficace de rebondissements. Certes, notre auteur est un provocateur, mais c'est surtout un observateur tr�s pointu des vicissitudes sociales, qu'il s'ing�nie � nous faire percevoir au travers de personnages parfois victimes, souvent paum�s, mais ayant tous pour point commun de se poser une seule et m�me question : " Qu'est-ce que je fous l�?"

C'est ainsi que, tour � tour, sont convoqu�s au tribunal de la conscience existentielle un �crivain dont l'abjection morale n'a d'�gale que le talent litt�raire, un enfant vivant de fa�on traumatisante sa premi�re rentr�e des classes, un ex-taulard devenu adepte du zen, ou encore un SDF invit� � No�l par un drogu� pas si d�sint�ress� que �a. Que du cruellement noir, direz-vous? M�me pas. Au milieu de cette galerie d'hommes d�sabus�s, surnagent �� et l� quelques �tres touchants, s'offrant par moments le luxe de verser dans la m�ditation po�tique.

En tout, treize histoires, autant d'occasions de dresser les portraits vitriol�s d'une soci�t� � la d�rive. Et, pour faire le lien entre ces t�moignages de l'�tranget� vitale, un texte frappant par sa puissance �vocatrice, comme une envo�tante litanie qui d�range mais dont on ne sait comment se d�barrasser de la lancinante m�lodie, un r�cit dans le r�cit intitul� " Pourriture des putr�factions mortes" : vous appr�cierez, comme moi, la beaut� du pl�onasme...

Treize contes �tranges ne constitue peut-�tre pas le meilleur de Ravalec, mais c'est tout de m�me un bon exercice de style o� son talent aux multiples facettes n'a pu s'emp�cher de briller deux pages sur trois, ce qui, vous l'avouerez, est un r�sultat plut�t honorable par les temps qui courent.

Or, quand on r�alise que, m�me dans l'hypoth�se o� vous d�testeriez ce livre, il ne vous laissera de toute fa�on pas indiff�rent, on peut l�gitimement penser que le succ�s n'est pas pr�t d'abandonner sa saintet� Vincent Ravalec.

Ma�a Gabily