Les pirates ! Une aventure avec les baleines Gideon Defoe Le Dilettante

Prix éditeur 17.00 euros

On a le fromage, ils ont l�humour. L�Europe, �a fonctionne comme �a. Et l�humour anglais, �a ressemble un peu au Roquefort : c�est l� depuis toujours, et personne ne sait vraiment pourquoi c�est bon. Vus sous cet angle, les Pirates de Gideon Defoe �quivalent haut la main un Papillon noir (le top du Roquefort, ndlr). L�an pass�, pour leur premi�re sortie en mer, la tripot�e de bras cass�s et son capitaine hyst�rique abordaient par erreur le Beagle de Charles Darwin, rempli � la gueule d�une cargaison de singes. On peut vous le dire, la grand voile �tait d�j� bien haute. Cette ann�e, dans Une aventure avec les baleines, les limites de l�infini sont honteusement d�pass�es. Sir Gid embarque ses pirates pour une escale encore plus r�ussie, c�est � dire plus loufoque, chez Moby Dick.
Au commencement, par exemple, �tait un navire en sale �tat. Le m�t branle et tombe une �ni�me fois, les fuites fuient et sont savamment colmat�es par� des posters. La situation n�est pas tenable, m�me dans une histoire � dormir debout. Nos professionnels de la flibuste doivent donc travailler un peu et c�est justement l� que le b�t blesse�

Largu�es, les amarres.

Comme le capitaine est l�g�rement m�galomane, les pirates se collent sur le dos un bateau de luxe � cr�dit, avec salles de conf�rence et terrain de tennis, et, en guise de cr�anci�re, la redoutable Cutlass Liz, concessionnaire navale anthropophage. La vraie vie�
De tr�sors invendables en reconversions hasardeuses, l��quip�e de joyeux incapables, pour �viter les terrifiantes p�nalit�s de retard, tente � peu pr�s tout et n�importe quoi. En fait, surtout n�importe quoi, et du n�importe quoi de comp�tition. A Las Vegas, notamment, o� le capitaine pirate fait la rencontre d�cisive d�un Monsieur Achab, p�cheur baleinier monomaniaque et d�pressif qui a, lui aussi, ses soucis� (Achab est ce type pourchassant sans rel�che une baleine blanche, Moby Dick, dans le tr�s grand roman du m�me nom, ndlr). L�histoire, �videmment, se termine bien, au prix d�un final pitoyablement dantesque.

To be rigolo or not to be rigolo ?

Comme dans le premier volume de la s�rie des Pirates, la grande histoire, ici celle de Melville, est tr�s rigolotement parasit�e par la fantaisie anarchiste de Defoe. Anarchiste car rien ne m�rite visiblement de piti�, et pas Mr Starbuck qui en sera s�v�rement pour ses frais.
On pourrait dire que ce work in progress est un genre de Monthy Pythons rythm� comme un cartoon de la Warner. Du pirate asthmatique servant d�accord�on aux conversations hilarantes entre le capitaine pirate et Achab, il n�y a en effet pas grand chose � jeter dans cette cour des miracles maritime. Tout ou presque est d�lire et ironie, servis par une science du d�calage dont seul un londonien a le secret. Et tout �a avec une chose rare dans l�humour : l��l�gance. Langage chati�, culture substantielle, souvent incongrue, notes en bas de pages pas piqu�es des vers� De toute fa�on, c�est tellement bien que les cr�ateurs de wallace et Gromit sont d�j� sur le coup. Allez, deux d�fauts quand m�me: c�est trop court et le myst�re de l�humour anglais reste entier, comme le lait pour le Roquefort.

Marc de Launay