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Zone d�ombres
| | La Zone d'inconfort Jonathan Franzen �ditions de l'Olivier
| Prix éditeur 21.00 euros
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Apr�s le succ�s des Corrections, l�Am�ricain Jonathan Franzen choisit de se pencher pour la premi�re fois sur un sujet qu�il semble ma�triser � la perfection : sa propre personne.
Comme chacun sait, il n�est pas indispensable d�avoir connu une enfance hors du commun, de s��tre heurt� � de nombreux �cueils et d�avoir eu du mal � se relever des coups de la vie pour devenir un �crivain d�envergure. Dans la pile des romans � para�tre � la rentr�e litt�raire figure, au-dessus d�un bon nombre de textes sur la m�lancolie, le livre de Jonathan Franzen qui n�a vraisemblablement pas besoin de rev�tir un manteau de spleen pour �voquer des sujets aussi douloureux que la mort de sa m�re ou l��chec de son mariage. Dans La Zone d�inconfort, l�auteur flirte avec le genre autobiographique et se met en sc�ne dans six chapitres, � lire comme des petites nouvelles. Peu de temps apr�s la disparition de sa m�re, Franzen, charg� de la r�partition des meubles familiaux, retourne dans la maison de Webster Groves o� il a grandi entour� de ses parents et de ses deux fr�res. La red�couverte de cet espace abandonn� par l�adulte qu�il est devenu marque le point de d�part d�une r�verie qui le projette directement vers son pass�. P�n�trer � ses c�t�s en ces lieux permet au lecteur de se laisser guider � travers l�Am�rique �vanouie des ann�es 1970, � l��poque o� l��crivain n��tait encore qu�un jeune homme dont le seul dieu avait les traits d�un petit gar�on nomm� Charlie Brown.
Charlie Brown vs George W. Bush
Aux souvenirs des heures pass�es � d�vorer Peanuts o� se dessinaient les aventures de Brown et de son acolyte Snoopy, s�ajoutent les r�miniscences des palpitants week-ends qu�organisait � La Camaraderie �, un mouvement chr�tien, proche du scoutisme, auquel Franzen consacrait tout son temps libre. Quand les conciliabules d�enfants laissent place aux premiers �mois adolescents, La Zone d�inconfort fourmille d�anecdotes drolatiques qui agissent comme un �lixir de jeunesse sur le lecteur. Lorsque Franzen retranscrit ce qu�il �crivait dans son journal de Terminale � propos d�une jeune fille pr�nomm�e Siebert, il offre dans le m�me temps � nos agendas de coll�giens un bain de jouvence : � �Ne la CANONISE pas� et : �Ne sois pas amoureux, ne sois pas b�tement destructeur� et �La jalousie est le propre d�une relation possessive� et �Nous ne sommes pas sacr�s.� Quand je me surprenais � �crire son nom en lettres capitales, je me ravisais et notais : �Pourquoi la majusculiser ?� � Sans jamais perdre l��quilibre entre la nostalgie et la gaiet�, l��crivain ouvre un �crin dans lequel s�entassent photos, coupures de journaux, bibelots et autres souvenirs. Pour autant, dans La Zone d�inconfort, les vies ant�rieures n�ont d�attrait que si elles se m�langent au pr�sent : ainsi Franzen �voque-t-il aussi bien Cat Stevens et ses cours de litt�rature sur Kafka que ses pr�occupations actuelles � notamment sa passion des oiseaux � laquelle il convertirait les plus irr�ductibles citadins. Il d�veloppe �galement quelques-unes des id�es de Pourquoi s�en faire ?, un recueil de neuf essais o�, sans jamais tomber dans la le�on de morale convenue, il pointait d�j� du doigt les contradictions de l�Am�rique et du gouvernement Bush. Loin des formules percutantes et des phrases � tiroir, en jouant sur la typographie et en agr�mentant son texte de croquis, il adopte ici une �criture prot�iforme qui n�est pas sans rappeler la patte de Jonathan Safran Foer. Sans vains artifices, Franzen ose passer la fronti�re d�une zone dont il redoute les dangers : l�intime. Ellen Salvi
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