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Journal
| | Journal Jean-Ren� Huguenin Point Seuil
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Jamais passion ne semble �tre aussi forte. Un d�sir indestructible de convaincre le monde de son g�nie.
Jean-Ren� Huguenin n'est pas celui dont tout le monde parle. Il est comme ces petites choses insidieuses de notre toute petite vie qui soudain �mergent et qui tout deviennent. Vous savez ces petits bouts de rien qui se muent en nos paradis sentimentaux, ces aires d'�motion folle dans lesquelles on gambade comme un enfant, symbole fringant d'une jeunesse encore apprivois�e.
Jean-Ren� Huguenin fut, pour la science livresque, un brillant �l�ve. Un " Sciences Po " comme ils disent, un �narque si la volont� de cet �crivain hors pair n'avait pas �t� celle de l'�criture. Ecrire pour vivre ou pour aimer, l'�criture devenue reine de ce halo un peu opaque qui entoure le royaume de nos choix.
Et de nos regrets aussi.
Huguenin : prodige de l'exactitude. Ce n'est pas la vie d�crite � Sciences Po, les c�urs conquis, les corps serr�s qui fascinent. C'est cette exactitude, cette exactitude du mot et de la phrase. Lire Journal, c'est accepter d'�tre mis � nu. Les formules sont toujours plus belles que le souvenir que leur sensation dans notre quotidien a pu distiller.
Nous aimons ? Huguenin est un virtuose du " je n'en peux plus de t'aimer " .
Nous avons de l'ambition ? Huguenin a la faim de la r�ussite, une rage insolente, f�roce. Il est � la merci de cette force si pr�cieuse qui s'appelle la confiance en soi et qui inonde de lumi�re ses 21 ans fi�rement brandis.
Nous exaltons notre ch�re jeunesse ? Huguenin la ch�rit, dramatise sa perte quand fixement, il �voque l'�tiolement de ses 20 ans � travers absences et ridules, ce qui impitoyablement creuse des sillons dans nos mains tendues, la vieillesse, triste et tristement ressentie.
Son Journal est une partition, un hymne fou � l'arrogance, l'impertinence, la fin de ce mal qui trop souvent ronge nos esprits : la r�signation. Vivre, l'ouvrage en fait une priorit�. " Dramatiser son regard ", donner � chaque instant le contenu tragique que sa beaut� ou fragilit� m�ritent. Demeurer � c�t� de l'amour et accepter qu'il implique la souffrance. Derri�re le visage d'un homme joyeux coulent toujours des larmes de sang. Ne serait-ce que pour le sentiment frustrant de ne pas offrir � cette vie donn�e la passion qui nous anime sans compromis, ni retour en arri�re.
Pouvoir contempler et prendre entre ses yeux chaque minute et les tableaux de la vie comme si le plus isol� d'entre eux devait lui aussi �tre un paradis, un paradis qu'aucun geste n'aurait encore sali. Tel est l'un des enseignements de ce r�cit.
" Une phrase merveilleuse de La part du diable : il n'y a pas de juge mais il n'y a pas de pardon ". Lui qui pendant tout son roman, l'autobiographie plus ou moins fictive d'une existence papillon, se d�peint en �go�ste empreint parfois d'un insoutenable m�pris et surtout lui qui, compare les filles � des femelles incontr�l�es a fait na�tre dans mon regard de femme un pardon sans compromis accord�.
D�sarm�e devant sa propre b�n�diction, le lecteur remercie l'�crivain de cette gr�ce si pr�cieuse qui s'appelle le talent fou. Celui qui voulait effacer toute " tendresse bafou�e pour �touffer le monde dans ses bras " nous fait virevolter dans ce c�ur de passion vertigineuse.
Sans ambage, sans contrefa�on, �tre VRAI, �bahi devant tant de bonheur des mots, prisonnier de cette exquise crapule, en attente ou en fin de non recevoir de cet �merveillement du pr�sent, qui lui, � chaque instant, le quitte pour mieux le r�incarner.
Céline Mas
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