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Route dangereuse
| | La Route Cormac McCarthy �ditions de l'Olivier
| Prix éditeur 21.00 euros
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En France, l�ann�e 2008 s�ouvre sur une double actualit� pour l��crivain am�ricain Cormac McCarthy. Avant de retrouver au cin�ma Non, ce pays n�est pas pour le vieil homme adapt� par les fr�res Coen (sortie le 23 janvier), plongez-vous dans son dernier roman, La Route.
Un homme et un enfant avancent avec difficult�. L�homme est v�tu d�habits loqueteux et porte une barbe hirsute. Il pousse devant lui un caddie rempli d�objets h�t�roclites. Le gar�on qui marche � ses c�t�s est d�une extr�me maigreur. Il observe son p�re en silence. Sous leurs pas chancelants, la route semble s��tendre � l�infini. Le paysage qui les entoure offre une vision dantesque : des arbres calcin�s, des villages d�sert�s et, partout, de la terre br�l�e. Ce qui reste de vie dans cette antichambre de l�enfer est recouvert d�une neige de cendres qui n�en finit pas de tomber, faisant peu � peu dispara�tre le monde sous un �pais manteau de mort.
Dans son dernier roman, couronn� l�an pass� par le prestigieux Prix Pulitzer, Cormac McCarthy s�attaque � un sujet traditionnellement r�serv� au genre fantastique et � ses d�riv�s : la fin des temps. Pourtant, h�ros invincibles, monstres terrifiants et autres cr�atures surr�elles ne sont pas de mise. Ici, l�Apocalypse s�observe � hauteur d�homme. C�est donc sans filet que nous suivons les traces d�un p�re et de son fils se dirigeant p�niblement vers les c�tes du Sud sans trop savoir ce qu�ils y trouveront. �puis�s, sans la moindre ressource, ils traversent des contr�es jonch�es de cadavres en putr�faction. Outre les difficult�s qu�ils �prouvent pour se nourrir et se r�chauffer, les deux marcheurs doivent �galement �chapper � une tribu de survivants anthropophages qui �cume le territoire en qu�te de chair fra�che.
� Ne crains pas ce que tu vas souffrir. � (Apocalypse chapitre 2, verset 10)
Comment en sont-ils arriv�s l� ? Que s�est-il pass� au juste ? McCarthy ne l�explique qu�� demi-mot : � En ce temps-l� d�j�, tous les magasins d�alimentation avaient ferm� et le meurtre r�gnait partout sur le pays. Le monde allait �tre bient�t peupl� de gens qui mangeraient vos enfants sous vos yeux et les villes elles-m�mes seraient entre les mains de hordes de pillards au visage noirci qui se terraient parmi les ruines et sortaient en rampant des d�combres, les dents et les yeux blancs, emportant dans des filets en nylon des bo�tes de conserves carbonis�es et anonymes, tels des acheteurs revenant de leurs courses dans les �conomats de l�enfer. � Sur la route, les jours se tra�nent sans date ni calendrier et les nuits font parfois la part belle aux r�ves d�antan, aux r�miniscences qui rendent le r�veil encore plus douloureux : � Quand tu r�veras d�un monde qui n�a jamais exist� ou d�un monde qui n�existera jamais et qu�apr�s tu te sentiras de nouveau heureux, alors c�est que tu auras renonc�. �
Les nombreux silences qui �maillent le r�cit et les dialogues, tels des instants suspendus au-dessus de l�horreur, sont aussi l�occasion pour le lecteur de reprendre son souffle. Le rythme des paragraphes suit celui que s�imposent l�homme et l�enfant dans leurs p�r�grinations, maintenant ainsi le lecteur � quelques m�tres derri�re eux. Le roman de McCarthy fait partie de ces livres rares qui nous �jectent litt�ralement de la r�alit� pour nous donner � voir le spectacle effarant d�arri�re-mondes inimaginables. Ellen Salvi
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