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L�amour, en apart�
| | Apr�s Fred Chichin est mort Pascale Clark Seuil
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Pascale Clark, la voix de la t�l�, celle qui, en g�n�ral, aime se cacher derri�re ses mots lorsque les autres se font voir, signe ici un roman singulier entre r�alit� et fiction, entre intime et publique. Apr�s, Fred Chichin est mort est le e roman d�un chagrin d�amour pris dans le tourbillon d�une r�alit� bling-bling, de Cannes � Sarkozy.
Apr�s Fred Chichin est mort est un livre qui affronte avec pr�cision une r�alit� pourtant secondaire. C�est le livre qui repr�sente le mieux la vie sous l��re "Sarkozy en continu". Pascale Clark, toujours arm�e de son esprit journalistique aiguis� et de ses r�flexions habiles, r�ussit � faire du romanesque avec beaucoup de r�el certes, mais surtout avec du r�el "bling bling".
Apr�s Fred Chichin est mort, c�est un roman sur les amours de Sarkozy, sur les amours de Jude Law et Norah Jones, sur les amours froiss�s, sur un amour perdu. Un roman qui parle d�eux, de nous, de l�amour qui part et ne revient pas.En choisissant comme fil conducteur le film My BLueblerry Nights de Wong Kar-Wai, elle fait du cin�ma le complice de son intimit�.
Fid�le � elle-m�me, elle nous sert des apart�s succulentes. Elle nous parle de comment on vit avec un film, comme on s�identifie, ridiculement ou intens�ment, comment on analyse les sc�narii selon nos �tats intimes. Voil� le geste romanesque de Pascale Clark : Vivre les mouvements de son petit c�ur dans le d�cor r�aliste qui l�entoure, pesant mais in�vitable.
La narratrice, qui tente de s�habituer tant bien que mal � vivre pendant cinq ans avec le nouveau pr�sident-paillette, qui se fait pi�tiner les pieds sur le tapis rouge cannois, vit dans l�attente color�e de doute. Un SMS rest� sans r�ponse, une fin du monde qui pointe son nez. Un chagrin d�amour � l�horizon, qui restera � jamais grav� dans sa t�te comme le chagrin partag� avec Jude Law et Norah Jones, sous le bonheur vulgaire du nouveau pr�sident, et l��il distant de C�cilia.
Le r�cit avance au pas, par �-coups, comme son avanc�e sur la croisette embouteill�e. L�atmosph�re, teint�e du chagrin romantique de Norah Jones, s�assombrit un peu, prend la couleur de l�attente, avec justesse. L�auteure semble doser ses effets, elle ne veut pas ressembler au nouveau pr�sident qui en fait toujours trop. On aime ses courts apart�s o� elle fait parler Chirac, C�cilia, leur imagine de dr�les de pens�es, � faire sourire.
Et moi pendant ce temps-l��
Le d�cor est plant�, le drame peut �clore. Le roman de Pascale Clark ressemble � ces belles com�dies sentimentales fran�aises dont on ne parle jamais assez, par peur d�assumer un go�t jug� "has been" par le milieu. La narratrice fond en larmes, elle d�bute ce qu�on appelle l�"Apr�s". Apr�s Sarkozy, son amour part. Cinq ans devant soi � vivre beaucoup trop avec l�un, beaucoup trop sans l�autre : "Lui tout le temps, toi jamais" .
On entre alors dans une �criture qui fait penser au style vif et sensible de Justine L�vy, qui m�la intelligemment elle aussi la r�alit� publique et l�intime en larme. On revit avec Pascale Clark tout ce qui fait d�un chagrin d�amour un moment aussi triste que sublime : le regret in�vitable d�une fin b�cl�e, les sc�narii multiples qu�on se fait pour trouver le sommeil, les fa�ons de faire illusion en publique, les "C�est pas contre toi", l�ch�s par les l�ches� Et surtout, ces playlists qu�on s�interdit, qui rappellent toutes quelque chose de l�absent, ces larmes capables de couler sur tout et n�importe quoi, "m�me du Chim�ne Badi, pr�cise-t-elle. C'est dire.
Dans le r�cit de son c�ur en chantier, d�vast�, pas de mots en trop, une juste dose de d�rision, d�analyse douce-am�re de l��tat du pays, du monde qui continue de grouiller autour quand, dedans, tout s�est arr�t� avec le d�part de l�homme aim�. Et des phrases qu�on a envie de conserver : "Un temps poisseux fait briller les trottoirs de Barb�s. Au plafond, un ciel surcharg� press� de se soulager.Ma France d�apr�s, c�est ma vie sans toi". Olivia Michel
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