L'homme qui tombe Don DeLillo Actes Sud

Prix éditeur 22.00 euros

Sans doute l�un des romans les plus forts sur le rapport de l�homme au monde qu�il occupe, L�homme qui tombe est dans la droite lign�e de l�oeuvre de DeLillo, un roman travers� par l�esth�tique du chaos et l�interrogation de l�intime. Sautez.

Don DeLillo s�est taill� une blouse de choix au laboratoire des Twin-Autor o� il a rejoint les McInerney et Safran Foer. Il fait d�sormais parti du club des auteurs am�ricains qui auront r�ussi � b�tir une �uvre litt�raire de fiction sur le sol poussi�reux de Ground Zero. Qu�il parte du pass� o� qu�il se projette dans l�avenir, il est bien l� l�art de cet auteur de 72 ans � qui on ne l�a fait plus : raconter le pr�sent.
1977, Joueurs, le cinqui�me roman de DeLillo, met en sc�ne un attentat terroriste au WTC. Trente ans plus tard, on d�couvre sur la couverture de l��dition am�ricaine de l�Outremonde, une �glise devant les Twins et un oiseau volant �trangement autour des tours. La religion, un symbole h�g�monique et le vol au dessus d�un nid de travailleurs. Art de la pr�diction ? Don DeLillo pr�f�re plut�t l�intuition, avec l�obs�dante question du temps en arri�re pens�e.
Car s�il semble qu�il y ait une p�riode de chastet� litt�raire observ� par les auteurs. Combien de temps faut-il � l�art pour s�emparer et nourrir le pr�sent de l�histoire ?
DeLillo a choisi ce chass�-crois� fiction/r�alit� comme pierre angulaire � l��difice de son roman. A l�origine, un �trange croisement : d�un c�t� une c�l�bre photo du 11 septembre o� on y voit un employ� de bureau qui � choisit � de se jetter du World Trade Center et de l�autre, un performeur � Chicago en 2005, suspendu par les pieds du haut du dernier �tage de l�Institut d�Art Moderne. Voil� pour la r�alit�. Dans la fiction, l�homme qui tombe est d�abord un performeur qui se suspend, toujours par les pieds mais � Manhattan cette fois et au lendemain du 11 septembre. Le temps retrouv�, le r�cit peut commencer

Memento

Rescap� de l�effondrement, Keith, jeune cadre de Manhattan, retourne machinalement dans l�appartement de son ex femme, un trajet depuis Ground Zero jusqu�au d�combre de sa vie de couple. Il y retrouve sa femme Lianne, engag�e dans une associations d�aides aux victimes d�Alzheimer, car elle ne s�est jamais v�ritablement remise du suicide de son p�re atteint de la maladie de l�oubli.
A leur fen�tre et parce qu�il ne les pas vu choir, leur fils de sept ans, aid� de ces amis � faux jumeaux �, guette le ciel avec de vraies jumelles, en attendant que des avions viennent les d�truire � r�ellement �. Tous ces personnages deviennent bient�t structurellement modifi�s par cette date. Et cette m�ga chute physique devient une chute m�taphysique, avec en substantifique moelle, la lutte contre l�oubli. Et le cercle de cette famille new-yorkaise n�a de cesse de se r�duire autour de la m�moire : une mallette trouv� dans les d�combres que Keith tente de rendre � son propri�taire, Ben Laden devenu Bill Lawton dans la bouche des enfants et finalement le temps qui passe est semblable � la chute de cette homme o� chaque seconde absorb�e, le conduit � oublier ce qui le pr�c�de.
Mais l�homme qui tombe le plus est sans doute Keith. Sans plus aucun rep�re depuis le 11 septembre, il s�enfonce toujours plus dans le poker car � les cartes tombaient au hasard, sans cause assignable, mais il demeurait l�agent du lire choix �. Une chute qui permettra au lecteur de s��lever un peu et aux hommes de ne pas s�oublier.

Charles Patin O'Coohoon