La Dameuse Alina Reyes ZULMA

Prix éditeur 7.00 euros

Le viol, la vengeance, la vie : en partant de ces trois entit�s en V, Alina Reyes nous propose de consid�rer la fiction comme une distance volontairement prise avec la r�alit�... Une r�alit� parfois bien froide.


Alina Reyes est reconnue pour son talent d�auteur de litt�rature �rotique f�minine : on lui doit, entre autres, son sulfureux Le Boucher. Et du sexe, on en trouve quelques bribes, dans La dameuse... Surtout au d�but du roman, quand il est encore affaire de vie, de joie et de libert�. En fait, avant que le cul ne devienne affaire de domination et de pouvoir sur l�autre. Mais sous couvert de l�g�ret� et de simplicit�, le dernier petit livre de chez Zulma se r�v�le finalement une vraie source de r�flexion. Et m�me si l�on ne saisit jamais vraiment ce qu'il y a entre les lignes, on reconna�t pourtant les contours d�une �criture pr�cise et impliqu�e.
Au premier abord, le tableau qui nous est peint est celui d'une vie toute simple, aux accents bucoliques : celle d�une jeune fille de dix-sept ans, sorte de Heidi des temps modernes, qui vit dans les montagnes entre le caf� de ses parents, o� elle aide un peu, et son ch�ri, le gentil Baptiste. Marie-Rosella, la bien nomm�e, semble donc skier dans le bonheur... Mais tr�s vite, c�est le second �clairage qui nous est donn� � et du charmant tableau bucolique, on bascule vers une toute autre affaire. A vitesse grand V, le roman nous plonge dans une nouvelle dimension : celle du viol...


Une victoire sur la vie ?
Un viol commis par deux hommes que Marie-Rosella conna�t un peu, et dont elle vit chaque seconde comme une �ternit�. A ce moment pr�cis, la jeune fille est dans la neige, face contre terre, et l�on repense � Monica Belucci dans Irr�versible, � cette froide r�alit�. Marie-Rosella se cramponne � la neige macul�e de rouge, la fait sienne et, apr�s son s�vice, s�en sert pour se relever... Dans son esprit, la neige deviendra bient�t comme une sorte de confidente. Comme l'�l�ment familier, qui �tait l�, � l'aider dans la violence subie.
Puis vient la vengeance... Avec tout ce qu�elle a de facile et de tentateur, dans ce contexte pr�cis. Pour l�adolescente, se venger froidement de ses agresseurs se fait au moyen d�une dameuse � il fallait y penser. Et la vengeance devient alors une permission pour la vie, le grand air ; c'est un passage vers autre chose. Mais vers quoi ? Car si la jeune fille est enceinte, elle ne sait pas de qui... De son amoureux, dont elle a fini par s'�loigner, ou de l�un des violeurs ?
Si l�on pense � un passage, concernant notre h�ro�ne, alors ce sera celui qui m�ne � l��ge adulte, peut-�tre, avec son lot de choix et de virages en V, justement. Mais Marie-Rosella prendra grand soin du petit Jean-Loup ; m�me si l�on ne sait pas vraiment, dans ce curieux roman, de quel enfant il s�agit : de celui de la renaissance ? Ou de la violence int�rioris�e ? L�enfant de la victoire, sans doute, et de la victoire sur la vie... Avec un grand V.

Julien Canaux