|
|
La g�mellit� � fleur des mots
| | Comme deux cerises Eva Almassy Stock (vice-versa)
| Prix éditeur 12.04 euros
|
On a un peu peur de le toucher, de se l�approprier du bout des doigts.
Il y a la douceur de la couverture comme une peau de cerise vermeil et le d�sarroi de la double inscription. Eva Almassy n�aime pas avoir le dernier mot. Elle est de celles qui, industrieuses, flirtent avec la duplicit� et les concordances de genres. Elle vivote dans un d�dale d�histoires comme si, au fond, elle ne savait pas choisir. Entre celle-l� et son amie. Entre ce personnage et celui-ci.
Elle a le go�t des autres et la lucidit� cart�sienne. Enthousiaste, et �motive sans jamais rejeter vraiment ce petit bout gris de r�el.
Comme deux cerises est un roman en deux pulsations. Celle des siamoises Lucie et F�licie Pellerin au d�but du si�cle dernier. Puis, on tourne l�ouvrage, libre, �berlu� par ce geste simple qui n�a pas coutume d�accompagner la lecture. De l�autre c�t�, une autre couverture. C�est fin de si�cle et Richard Miller, un dessinateur plut�t n�ophyte, a rencontr� Alix Loury et croisera plus tard sa soeur jumelle Alice.
A chaque fois, c�est une histoire de qu�te d�identit�. Les soeurs Pellerin vivent dans le m�me corps. Une sensation que peu connaissent et sont en mesure d�appr�hender. On se demande parfois si Eva Almassy n�a pas une soeur.
Eve ? Elle aurait pu s�appeler Eve. Sinon comment expliquer ce tact, cette gr�ce � d�crire l�imbrication charnelle des peaux et des esprits, la fusion de deux corps qui scinde par hasard deux destins sans jamais leur laisser le choix ?
Richard Miller. Une autre histoire. Il a toutes les facettes de l�Epicurien qui vie sa vie, facile. Il n�est ni intrigue, ni intrigant, plut�t un puzzle en phase d�assemblage. Richard Miller ne montre pas, il agit. Seulement l�amour a rat� sa destination. Il aime Alix, elle aime les femmes. Il rencontre Alice sa soeur jumelle et le doute survient. Pourrait-il dans l�embrasement aveugle des corps oublier cette non-identit� de l��tre aim�, diluer son d�sir dans une forme identique en sachant que ce n�est pas elle mais la m�me autrement ? Richard Miller, dans une acrimonie contre la nature des choses, se laisse aller � oublier au pays des merveilles d�Alice, l�aim�e et trop aim�e, la femme aux doigts d�esth�te, Alix.
Voil� la trame. On ne saurait tout d�voiler car comme dirait l�autre, la voracit� est parfois beaucoup plus obsc�ne que l�impudeur. Il faut aller chercher tout au fond des pages avec un cour en �moi pour un suc que peu savent distiller, le talent de parvenir � combiner tempo du r�cit et saveur languissante des verbes. Elle a cette force, la narratrice d�Almassy. Elle nous laisse nous lover au creux des vagues de mots pour nous revigorer juste apr�s dans la violence, la passion ou le d�sir fou. Elle se pose des questions et d�crypte le monde au fur et � mesure qu�elle le raconte. Il n�y a que des �lots de pudeur saupoudr�s de cette irr�sistible vitalit�, comme une mise � nu de notre identit�.
Car c�est au fond le double aspect de cette identit� que Comme deux cerises entend mettre en lumi�re. Elle nous p�trit de son fondement absolutiste, nous permettant l�acc�s aux privaut�s terrestres mais n�est jamais conquise, acquise, comprise, compl�tement int�gr�e.
L�identit� nous guette, nous pr�c�de et nous suivra. Avec assurance et en clair-obscur. Comme se doivent de l��tre toutes les Eva Almassy. Des �toiles montantes. Céline Mas
| | |