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Le fils de la sardine
| | Le fils de la sardine Ilan Duran Cohen Actes Sud (Babel)
| Prix éditeur 14.94 euros
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En direct du formidable deuxi�me roman d�Ilan Duran Cohen,
auteur de Chronique alicienne en 1997 (�ditions Actes
Sud), et plus connu en tant que r�alisateur (La confusion des
genres). C�est une v�ritable parenth�se enchant�e qui s�ouvre
avec ce livre. On ne l�a pas encore referm�e qu�on �prouve d�j�
la n�cessit� d�en parler.
H�l�ne est �pileuse, fille de pas grand-chose, sans autre
ambition que celle de demeurer l�arracheuse de poil la plus
douce de son �tablissement. Un soir, sa copine Fanny la
pousse pas tr�s gentiment hors de l�appartement dans lequel
elles cohabitaient, nouveau Jules oblige. Un peu d�sorient�e
mais pas racuni�re, elle trouve refuge chez Blumenfeld, l�un de
ses clients, diamantaire homosexuel et fervent consommateur
de chirurgie esth�tique. Celui-ci h�berge �galement un tout
jeune homme trouv� sur le trottoir par hasard, Schlomo, avec qui
H�l�ne va partager la chambre d�amis. Blumenfeld attend alors
son bel amant Simon, parti en vagabondage pour cause de
jalousie consciente et mal plac�e qu�il a le courage de souhaiter
gu�rir au loin. H�l�ne, Blumenfeld, Schlomo, et la m�re de
Simon, Ren�e, flanqu�e de son amie Dominique, vont vivre
quelques heures ensemble, dans l�espoir du retour de l�envol� ;
d�couvrir peu � peu des pans de leurs pass�s respectifs.
Mille histoires se d�roulent et se tissent comme un grand tapis
m�diterran�en, color� et chaleureux, sans lien mais sans
discontinuit� : H�l�ne et le salon de coiffure terne de ses
parents, son vide amoureux et existentiel, sa r�cente d�votion
aux autres ; les graves p�ch�s d�un Schlomo mystique amen�
� remettre en cause l�existence de Dieu et � le braver
personnellement ; le mariage de Blumenfeld puis son histoire
avec Simon, les transformations d�un visage qui veut renouer
avec la primitivit� de ses instincts ; l�enfance de Simon enfin, et
celle de sa m�re, cette petite sardine d�barrass�e de tous les
jougs par l��criture.
Toutes ces figures sont attachantes, pourvues de personnalit�s
fortes et singuli�res, dot�es de vie. On entend battre leurs
c�urs au fil de ces 182 pages qui se lisent en une traite. Une
atmosph�re qui ferait presque penser � un savant dosage de
V�nus Beaut� Institut et d�Am�lie Poulain, de par la
na�vet� et la simplicit� pleines de gr�ce du personnage
d�H�l�ne, qui vient se m�ler de tout, moiti� par hasard moiti�
par amour de l�autre. M�lange de genres �galement avec cette
atmosph�re � la fois gouailleuse et dramatico-dr�latique de
La v�rit� si je mens. Tout se passe rue des Rosiers, avec
en filigrane l�interrogation sur les rites et croyances
jud�o-chr�tiennes, avec pour toile de fond un amour presque
incestueux mais pur, interdit mais incondamnable tant il est
sinc�re. On retrouve dans Le fils de la sardine tout le
rythme d�un �crivain du Marais, sarcastique mais amoureux de
son peuple, et des rues de Montmartre, petites, sombres mais
aussi ensoleill�es, emplies d�un charme po�tique fou.
Un beau d�nouement, assez inattendu, grave alors que le reste
se voulait l�ger, mais dot� d�une symbolique originale. Encore
un plus � mettre � l�actif d�Ilan Duran Cohen : le jeu de pronoms
� H�l�ne �tant le narrateur � dont le Je s�efface lorsque les
probl�matiques des autres protagonistes sont mises en
lumi�re. Comme si H�l�ne savait en ne sachant pas, et donc
tout en ne jugeant pas, et en laissant toute l�ampleur n�cessaire
aux d�ploiements romanesques de Simon, Blumenfeld,
Schlomo et Ren�e. Un des meilleurs �crits de la rentr�e. J. L. N.
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