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Mon fr�re mon amour
| | Son fr�re Philippe Besson Julliard
| Prix éditeur 16.62 euros
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Lucas tient le journal d�une agonie. Celle de Thomas, son fr�re, qui d�cline chaque matin davantage, victime d�une maladie incurable qui fait planer sur lui " un risque h�morragique permanent ". Le temps passe et ses traits s��macient, son corps devient carcasse, le traitement aux cortico�des le ravage.
Lentement mais s�rement, il meurt. Un processus inexorable que Lucas suit pas � pas et nous fait partager, Philipe Besson entrela�ant la chronique de l�ultime s�jour des deux fr�res dans leur maison d�enfance et le r�cit de ce qui les y a men�s, la d�couverte de la maladie, l�annonce � la famille, les soins des m�decins, l�incapacit� d'enrayer les progr�s d�un mal implacable. D�un c�t�, une demeure blanche, lumineuse, l�immensit� bleue d�une mer partout pr�sente puisque Lucas y est constamment ramen�, de l�autre une torture quotidienne, rendue plus odieuse encore par le traitement d�gradant, le vocabulaire et le comportement des cliniciens, l�impuissance des proches -certains prennent la fuite et Lucas seul restera jusqu�au bout, ind�fectiblement : " Ai-je jamais �t� aussi proche de lui qu�aujourd�hui ? J�ai beau conna�tre notre intimit�, qui date du premier jour, qui ne s�est jamais d�mentie, qui donne tout son sens au mot fraternit�, il me semble que notre proximit� n�a jamais �t� aussi grande que dans ces instants qui sentent la fin. "
Du premier roman de Philippe Besson, on retrouve la sensibilit� sans appr�ts, quelques th�mes majeurs (le double, l�homosexualit�) et le go�t des amours confront�es � la mort : la guerre de 1914 brisait le couple de En l�absence des hommes ; Son fr�re met en sc�ne deux �tres que rien jusqu�ici n�avait pu s�parer, la fin pressentie d�une relation que les autres ne peuvent comprendre : " Je ne leur ai rien dit de l�amour de deux fr�res, de ce lien pur, d�vastateur, o� nul autre n�a sa place, � nul autre pareil, de cette intimit� sur laquelle aucune ench�re n�est possible, o� le d�sir et la sensualit� ont leur place parce qu�on conna�t l�autre aussi bien que soi-m�me. " Un sujet difficile, d��vidence, parce qu�il peut tourner au m�lodrame, parce que l�amour, la mer et la mort constituent un trio d�j� visit�, mais l�auteur aime les paris risqu�s (Marcel Proust n��tait-il pas un des personnages principaux d�En l�absence des hommes ?) et les tient. Il �vite l��cueil du lieu commun ou du pathos sans craindre pour autant les d�cors charg�s de symboles ou les parall�lismes qui rassemblent les extr�mes (la maison de l�enfance devenue celle des derniers jours, la mer, lieu d�amour et de libert�, lieu matriciel mais aussi mortel�) et parvient � d�crire l�indescriptible. Certes, Lucas (double de l�auteur ?) le dit lui-m�me, " on ne sait pas parler de �a, la mort " et il n�en parle pas, en effet, il parle autour, il parle des m�dicaments, il parle du corps rong�, des visages des parents, de la lutte inutile ou des souvenirs d�enfance, il cerne le c�ur des choses sans y p�n�trer. Il ne s�agit pas d�un travail sur les blancs, l�ellipse, il s�agit de pr�ciser les contours d�une r�alit� inexprimable autrement que par des mots simples mais jamais froids, des images �vocatrices mais jamais d�coratives : " La douleur, elle frappe l� o� on ne s�y attend pas, quand on ne s�y attend pas. Elle est pure comme peuvent l��tre certains diamants, elle est sans tache, �clatante. On est seul avec cette puret�-l�, cette blancheur insoutenable de la douleur. " La souffrance, rentr�e, transpire sous les phrases sans fard car les choses sont dites de fa�on non pas neutre, d�tach�e, mais juste. Et c�est ce qui les rend si insoutenables, parfois. "Parler peu mais parler bien", dit-on. Une expression qui convient � Son fr�re, dont le narrateur affirme : " Je raconte la v�rit� pour la premi�re fois, je suis dans le r�el. J�ignorais que les mots pouvaient dire le r�el. " Minh Tran Huy
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