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Oui j'adore Zadie Smith!
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Zadie Smith,
Oui j�adore Zadie Smith !
�crire sur Zadie Smith, c�est tasser 530 pages d�imagination en 3000 signes. Autrement dit pour �crire sur Zadie Smith, il faut ne surtout pas �tre Zadie Smith. De toute fa�on, m�me si on voulait se transformer en Zadie Smith, je doute que l�on puisse y parvenir en un coup de baguette magique, car Zadie Smith c�est 530 pages d�imagination et le pouvoir des baguettes magiques n�est �valu�, en g�n�ral, qu�� dix-douze pages d�imagination. Grand maximum. Bon, je dilapide mon stock de signes sur Zadie Smith b�tement, alors que Zadie Smith, elle, ne dilapide jamais rien.
�a pourrait presque �tre son titre de gloire � Zadie Smith, ou une accroche publicitaire : " Zadie Smith, celle qui ne dilapide rien ". Zadie Smith, du brut. Ah� Zadie Smith. C�est s�r que je ne vais pas m�en sortir si je r�p�te son nom, Zadie Smith, toutes les phrases. Mais quand on aime, on ne compte pas (voil� enfin du concret, un bon vieux dicton). Car oui on aime. Non, je ne me d�multiplie pas soudainement en parlant de moi, mais depuis un mois, c�est le torrent d��loges.
" On " c�est tout le monde. Oui, tout le monde aime Zadie Smith. Alors, cela aurait pu �tre chic de ne pas aimer, de faire son branchouille qui adore un livre mais qui n�ose pas le dire parce que c�est devenu du dernier commun, d�aimer Zadie Smith. Mais faire la fine bouche avec Zadie Smith, ce serait comme refuser de parler quand on vient d��tre gu�ri du mutisme.
La vraie question qui se pose finalement est : y a-t-il un avant et un apr�s Zadie Smith ? (� partir de maintenant j�abr�ge Zadie Smith par ZS, plus commode, non ?). Attention, je ne dis pas que ZS a invent� un style, une langue, je ne dis pas que ZS influencera toutes les g�n�rations de journalistes-critiques comme Bret Easton Ellis l�a �incontestablement- fait. Non, ZS est une renaissance. Un second souffle. ZS nous rappelle � l�ordre pour nous dire que la litt�rature c�est l�imagination. Et avec un grand I. Je n�ai pas trouv� une seule page chez Zadie Smith qui ne m�ait pas �tonn�, je n�ai pas trouv� un personnage qui n�ait pas m�rit� son paragraphe et qui, � tous les coups, aurait m�rit� un livre.
Comme le Mangeclous de Cohen. C�est vrai, quand Cohen a �crit Solal, le valeureux Mangeclous �tait trop ENORME pour ne pas m�riter son roman. La comparaison avec Cohen n�est pas due au hasard. Quand ZS dit, � propos d�un personnage, qu�il " parlait aux aubergines " comment ne pas penser � ces juifs � la folie charmante ? Ces juifs d�racin�s au-del� des si�cles.
D�raciner, voil� aussi un mot. L�humour provient souvent de ces immigr�s qui ont toujours trois trains de retard, qui n�arrivent pas � s�adapter, ou qui, c�est plus commode, finissent par reconstruire leur vie sur le m�me mod�le. Tout est pareil finalement, � part la t�l�vision qui rappelle aux personnages qu�ils vivent en Angleterre (un de ces personnages est d�ailleurs glu� sur son fauteuil 24h/24h, il est � deux doigts de se greffer la t�l�commande, et poss�de un bol pour uriner !). Les couleurs de tous ses pays sont les couleurs de son humour. Et la cr�dulit�. Les t�moins de J�hovah attendent la fin du monde, mais comme � chaque fois qu�ils l�annoncent elle n�arrive pas, ils trouvent une autre date sans se d�monter le moins du monde. C�est aussi �a ZS, elle nous annonce la fin de quelque chose � chaque page, mais non, il y a toujours un malentendu du destin qui fait que �a continue. Ca a du �tre dr�lement dur de mettre le mot fin, la pauvre ZS a du se sentir comme une coureuse de marathon � qui on impose brutalement le 100m. �a fait court, subitement.
Je m�arr�te moi aussi, � l�unique condition de parler de la magie de ses expressions, de ses trouvailles. C�est riche, si riche. ZS pourrait �tre douze �crivains � la fois tant elle d�borde. Et je ne serais pas �tonn� que dans cinq si�cles, on la prenne pour un collectif. Tout comme Shakespeare.
PS : Pour ceux qui n�ont jamais lu un de mes articles, sachez que je suis rarement aussi enthousiaste.
David Foenkinos
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