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Migrer dedans
 | | Le Dehors Arno Bertina Actes Sud
     | Prix éditeur 14.94 euros
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Le Dehors nous invite � revisiter notre espace int�rieur. Premier roman tout en subtilit�s pour un Bertina dont le langage et l'amour du bon mot n'en finissent pas de nous poursuivre.
Il y a dans ce roman la tristesse de l'exil et de tous les d�parts. L'entrecroisement de deux destins. Celui de Kateb, immigr� kabyle arriv� en France dans les ann�es cinquante. Celui de Malo, m�decin fran�ais mari� en Alg�rie et qui est contraint de quitter le pays quand l'Ind�pendance survient.
On pourrait conter les rencontres, les �garements � travers les rues du pays qui clame les trois valeurs en t�, le n�tre. On pourrait choisir des d�tours, des entrem�lements syntaxiques pour d�peindre l'histoire de ces deux grands gaillards perdus � travers les r�sistances et alchimies de leur chemin. On pourrait aussi d�cider de tout dire de la difficult� � vivre la diff�rences des cultures, de celle qu'il y a � aimer quelqu'un qu'� priori rien ne rapproche de soi .
Mais ce serait d'un commun. Dans le Dehors, il y a l'exploration des mots et la force d'une voix � qui l'on a envie de dire t'es toi et t'es belle. Le narrateur ma�trise avec un sens inou� de l'� propos l'�motion intense, sans battre des paupi�res, sans forcer l'encre. Malo et Kateb s'inscrivent � notre insu dans l'espace, prennent toute la place qu'il y a encore � prendre de nos instants choy�s de lecteurs. Peur de r�ves plus sombres que leurs jours, fant�mes anciens � tenir en respect, stress qui les ronge au c�ur mais aussi les structure.
Il y a sans doute peu de moments plus �prouvants que ceux que l'Histoire et la politique imposent. Malo et Kateb ont du mal � ne pas se laisser �craser sous le poids des r�f�rents, du mal � ne pas se laisser aveugler sous les infamies humaines, le massacre que le racisme dicte dans sa cruaut� immense. Il est des appartenances qui s�parent, changent, conditionnent tout. Et c'est aussi en cela que la premier roman d'Arno Bertina r�sonne d'actualit�. Difficult� de partage entre des fran�ais et des arabes dont des haines ont cristallis� l'�cart. Et toujours cette tristesse qui entaille le sentiment, humect�e de relations imbriqu�es avec les parents et l'enfance. Inutile dans ces cas l� de faire valoir le tourbillon de la vie, le maelstr�m des passions, les �jections � r�p�tition des obstacles accourrant.
D�finitivement oui, il y a dans l'�criture de Bertina de la gr�ce. Il nous donne de l'app�tit. A d�vorer les pages et engloutir les lignes, on a pourtant peur de rater un chapitre, d'oublier une signification, de b�cler un moment de son univers. Alors on se reprend, revient quelques pages auparavant pour tout envelopper de ces deux hommes en d�tresse, panser leurs �mes qui suintent, une mani�re d'enluminer l'histoire. Une fa�on d'exprimer l'estime en dedans acquise pour un ma�tre � �crire et un chanteur de mots.
Céline Mas
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