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Les murs vivants
 | | Les murs vivants Jean Cav� Actes Sud
     | Prix éditeur 13.57 euros
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La guerre des colos : un roman clos, enferm� sur lui-m�me, sur des murs dot�s d'une vie pr�sente mais impalpable. Frissonnante.
Paris est violent, venteux : l'orage auquel nous allons assister est d'une toute autre nature ; exasp�r�, proche de la crise nerveuse. L'histoire d'un jeune couple qui ne se supporte plus entre les quatre murs d'un sordide appartement de Belleville. V�ritable bo�te. Tout dans le logis est un leurre : le manque de lumi�re, le papier-peint qui se mue au gr� des humeurs, les portes qui se verrouillent seules, les colos - b�b�tes d�go�tantes, inoffensives (?) - qui rampent. Et cette lettre jamais envoy�e au propri�taire, qui reste sur la table ainsi qu'une pi�ce � conviction : nous sommes infest�s. Par quoi ?
Elle pour lui : une mante religieuse. Lui pour elle : un iceberg. Tout est l�, malaise et incompr�hension de ceux qu'un mouvement trop impulsif a unis trop vite, pour qui les sentiments r�ciproques sont d�mesur�ment envahissants ou trop fuyants. Les trop grouillent, et le couple est � l'image de ces insectes qui les envahissent jusqu'� l'extermination totale. Humanit� envol�e, on se regarde le nombril, on ne sait qu'examiner la laideur d'une mue conjugale impr�vue, on ne veut ni ne peut d�cafardiser cette d�tresse aux antennes acerbes. L'autre a toujours tort. Les colos d�goulinent de toute part ainsi que les insultes qui fusent � mesure que l'agacement et la d�testation croissent.
Tout ici est �tonnant. Le sujet : on ne peut plus simple. Un couple en d�rive. Mais attention : on entre sans m�me s'en apercevoir dans un fantastique kafka�en qui vire au gore le plus d�concertant. M�tamorphose d'une relation, d'un univers qui de cocon devient termiti�re, hostile et larv�e, o� tout ce qui arrive est bizarre, horrible, mais o� le questionnement n'intervient jamais. Si ce n'est ce g�missement sempiternel et aga�ant : Tu ne m'aimes pas. Tu ne m'aimes plus. Tu ne m'as jamais aim�e - toi encore moins. Il est absurde de se laisser envahir par la haine, par le colo, de se faire colo, mais pas de remise en question. La vie l'impose, continuons donc � halluciner.
Cav� nous ponge dans cette sourde angoisse de la mani�re la plus insidieuse qui soit, � petites touches, � coup de petits riens. L'auteur semble avoir atteint une parfaite ma�trise de la m�taphore fil�e, parfaitement embo�t�e dans un r�cit qui vous rend claustro et vous fait des torticolis. On s'efforce d'y examiner les murs centim�tre par centim�tre, dans un suspense �crasant : o� vont-ils, colos comme locataires ? Cav� poss�de cette �criture qui effleure, ainsi que le ferait un insecte qui vous court sur l'avant-bras, et que vous ne remarquez qu'apr�s vous �tre pos� la question : Qu'est-ce que c'est ? La r�ponse est �coeurante. Et la r�action aussi : on a envie de leur taper dessus, sur Mona comme sur Louis. Et finalement, qu'ils meurent dans leur d�lire collectif, et que les murs qu'ils ont invent�s pour mieux se crever les yeux les massacrent nous est bien �gal. O.M.
+ Lire le portrait de Jean Cav�
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